Le chef du gouvernement provisoire campe sur ses positions initiales. Le Dialogue national aborde aujourd'hui l'étape des ateliers de travail «J'y suis, j'y reste. Le gouvernement actuel ne livrera jamais le pays à l'aventure ou à l'inconnu. Nous poursuivons notre mission jusqu'à ce que les participants au dialogue national parviennent à la formation du prochain gouvernement et jusqu'à ce que l'Assemblée nationale constituante parachève ses fonctions constituantes, c'est-à-dire adopter la future constitution, élaborer la future loi électorale et instaurer l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie). Peu importe que ces missions nécessitent une période d'une semaine, de trois semaines, d'un mois ou plus. Nous partirons une fois que tout sera réglé». Ali Laârayedh, chef du gouvernement provisoire, n'a pas mâché ses mots, samedi soir, lors de l'interview qu'il a accordée à la Télévision nationale. Il s'est même trouvé obligé de répéter les mêmes réponses aux deux journalistes qui voulaient le pousser à prononcer la phrase que tout le monde attendait, celle de dire «oui, mon gouvernement s'engage à partir dans trois semaines conformément au contenu de la feuille de route du Quartet». Il est allé jusqu'à affirmer, à plus d'une reprise, que le point relatif à l'engagement du gouvernement à démissionner n'existe pas dans la feuille de route en question alors qu'il y est bel et bien mentionné, noir sur blanc. Entre Ennahdha de Ghannouchi et Ennahdha de Laârayedh Les réactions des acteurs du paysage politique et civil approchés par La Presse oscillent entre ceux qui considèrent que «nous assistons aujourd'hui à la naissance d'Ennahdha apparentée à Ali Laârayedh et opposée à celle dirigée par Ghannouchi» et ceux qui pensent que Laârayedh a «le droit de s'opposer à un dialogue cherchant à supplanter son gouvernement alors qu'il n'y participe pas». Abdelaziz Kotti, constituant dissident de Nida Tounès, trouve que «le discours de Laârayedh n'a comporté aucune évolution en comparaison de ses anciennes positions. Il renie l'échec de son gouvernement et va jusqu'à déclarer que celui-ci a réussi dans sa mission. En réalité, il n'a fait que reproduire et défendre les positions de l'aile dure au sein d'Ennahdha et du Conseil de la choura». «Nous sommes aujourd'hui, poursuit-il, en présence de deux Ennahdha, celle de Rached Ghannouchi qui a signé la feuille de route du Quartet et qui participe aux réunions du Dialogue national et celle de Ali Laârayedh qui fait tout pour que ce dialogue capote. Ce double discours de la part d'Ennahdha envoie des messages peu rassurants quant à sa volonté de faire réussir le dialogue». Une absence injustifiée Abdelmajid Bouebdelli, professeur de droit à l'université et militant de la société civile (dissident de Wafa), se demande : «Comment un dialogue sur le départ du gouvernement se tient-il sans la participation de ce même gouvernement ? Ennahdha a-t-elle droit de négocier au nom du gouvernement ? Pour moi, le gouvernement Laârayedh est le gouvernement de la Tunisie, pas celui d'Ennahdha ou de n'importe quel autre parti. Par conséquent, Ali Laârayedh a le droit de dire : «Non, je ne pars pas dans la mesure où mon gouvernement n'est pas partie prenante dans cette négociation». Beaucoup parmi nos politiciens ou analystes semblent oublier qu'on a dépassé l'étape des gouvernements de partis. Aujourd'hui, le gouvernement est celui du peuple même si les ministres qui le composent proviennent de l'un ou de plusieurs partis». Le Pr Bouebdelli pense que «le pays baigne dans le désordre juridique car ce dialogue national ne s'appuie sur aucune base juridique, d'où le flou et la confusion qui caractérisent ses différentes réunions ou les thèmes qu'il se propose d'examiner. Ainsi, l'affaire de l'Isie est-elle mal posée sur le plan juridique et les différentes solutions tentées par les uns et les autres pour trouver une échappatoire à l'arrêt du Tribunal administratif ont oublié l'essentiel, à savoir que le Tribunal administratif n'est pas habilité à rendre de tels arrêts. En effet, selon la loi de juin 1972 portant création du Tribunal administratif amendée par la loi du 3 juin 1996, les décisions de l'ANC en tant que pouvoir législatif ne sont susceptibles d'aucun recours. Malheureusement, face au vide juridique actuel, le Tribunal administratif s'est transformé en Conseil constitutionnel sans qu'il y ait de texte de loi lui octroyant de telles compétences». Une déclaration qui n'engage que Laârayedh Contacté pour savoir si les déclarations de Laârayedh sont de nature à influer sur les travaux du Dialogue national, Abdessatar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme et parrain du Dialogue national aux côtés de l'Ugtt, de l'Utica et de l'Ordre des avocats, préfère ne pas commenter les propos du chef du gouvernement. «Toutefois, réplique-t-il, il faut rappeler que le Dialogue national concerne les parties politiques qui ont adhéré à l'initiative du Quartet et qui ont signé sa feuille de route. Par conséquent, les déclarations de Laârayedh n'engagent pas les participants au dialogue et n'engagent que sa propre personne». Me Ben Moussa révèle que les négociateurs du Dialogue national ont décidé, hier, la création de trois ateliers de travail consacrés respectivement aux processus gouvernemental, constituant et électoral. «Demain lundi 14 octobre (aujourd'hui), les présidents des partis tiennent une réunion pour décider de la méthodologie d'action à suivre. Au cours de la même journée, la commission chargée de l'affaire de l'Isie rencontrera les experts en vue d'opter pour une solution parmi celles déjà proposées», conclut-il.