Par Abdelhamid Gmati Les Tunisiens ont fêté l'Aïd, comme d'habitude, en sacrifiant des moutons et en s'empiffrant de méchoui. Encore que pour cette année, et selon l'Organisation de défense du consommateur, 60% n'ont pas acheté de moutons. Et heureusement, on ne s'en est pris qu'à des moutons, contrairement à l'appel lancé sur les réseaux sociaux, menaçant d'égorger les opposants tunisiens. Et comme d'habitude, les rues étaient désertes, les magasins fermés, y compris les échoppes des vendeurs de pois chiches, la circulation automobile presque inexistante. Rien n'indiquait que c'était jour de fête. On frémit à l'idée de ce que ce serait un jour de deuil. Comme d'habitude, on a fait la prière et comme depuis deux ans, on la fait sur la place publique. Ce mardi, c'est le vice-président du mouvement Ennahdha, Abdelfattah Mourou, qui a prêché à la place du Passage, au centre-ville de Tunis. Notre président provisoire de la République a préféré Sousse pour la prière et pour visiter la maison de retraite de la ville, accompagné par la ministre de la Femme Sihem Badi. La veille, lundi 14 octobre, on s'est débarrassé de la « corvée » de la fête de l'Evacuation qui intervient le 15. Les trois présidents se sont donc rendus à Bizerte et ont assisté à la cérémonie de commémoration à la Place des Martyrs de la ville. Soulignons que cette journée est l'une des plus importantes de l'histoire de la Tunisie, car elle parachevait l'indépendance totale du pays avec le départ du dernier soldat étranger. A part cela, quelques « faits divers » : — des affrontements entre citoyens et forces de l'ordre à la suite de l'arrestation d'une dizaine d'individus qui ont commis des braquages sur l'autoroute dans la région La Cagna- El Mourouj : — une embarcation battant pavillon égyptien, ayant à son bord 16 pêcheurs, a été arraisonnée par une unité de la Marine nationale, parce qu'elle s'était introduite dans une zone interdite au large de Zarzis ; — une cinquantaine d'individus ont agressé, mardi soir, une équipe de nuit du service des urgences de l'hôpital de Kasserine ; — les habitants de Tataouine ont été privés d'eau durant la journée de l'Aïd, ce qui a provoqué leur colère. Pendant ce temps, la crise multiforme que traverse le pays persiste et s'aggrave. Certes, la commission chargée de statuer sur l'ISIE se réunira ce jeudi pour examiner les différentes propositions qui ont été faites. Certes, l'Assemblée nationale constituante tiendra une séance plénière ce vendredi pour examiner plusieurs projets de loi n'ayant pas de rapport direct avec la crise. Et le Dialogue national initié par le quartet, afin de trouver une sortie de crise, où en est-il ? Le Front du salut a menacé de quitter le Dialogue national pour protester contre «la lenteur des travaux susceptible de contribuer à l'aggravation de la crise politique actuelle». Il estime que les travaux doivent commencer dans un délai ne dépassant pas le 19 octobre 2013, soit une quinzaine de jours après la séance d'ouverture. Tout en regrettant la perte de temps «qui profite au gouvernement afin de continuer sa stratégie de nominations partisanes massives à des postes clés de l'administration », le Front du salut pointe également du doigt «les tentatives d'Ennahdha de gagner du temps en multipliant les déclarations contradictoires et en essayant de vider l'initiative du quartet de son contenu». Dans son communiqué du lundi, il invite «tous les Tunisiens de toutes les régions du pays, et à Tunis en particulier, à une mobilisation de masse, le mercredi 23 octobre 2013, afin d'exprimer leur rejet de la crise qui sévit actuellement et appeler à la mise en place rapide de l'initiative du quartet tout en insistant sur la démission immédiate du gouvernement et la nomination d'un gouvernement indépendant de compétences». A ce communiqué, le mouvement Ennahdha a répondu par un communiqué dans lequel il demande au peuple tunisien de ne pas manifester ce jour-là, soulignant « qu'ils veulent que ce jour du 23 octobre soit celui du chagrin et de la colère au lieu d'être un jour de joie marquant l'anniversaire des premières élections multipartites libres ». Abdelhamid Jelassi, vice-président du mouvement Ennahdha, a lui, estimé que les appels à la manifestation et à l'occupation des rues n'apporteraient aucun résultat sur le plan politique, et que ceux qui font ce genre d'appel seront responsables du possible échec du Dialogue national. Dialogue de sourds. Le bras de fer se déplace dans la rue, chacun étant sûr d'être entendu et suivi par la population. Espérons que ce jour-là, il n'y aura pas de violence ni redite du 9 avril 2012, ni des événements douloureux de Siliana.