Depuis 2011, des centaines de migrants ont disparu en tentant de rejoindre clandestinement l'Europe par la mer. Leurs proches réclament toujours la vérité sur leur sort. Au lendemain de la révolution, des milliers de personnes ont essayé de gagner l'Europe par la mer, depuis les côtes tunisiennes. En 2011, pas moins de quatre naufrages ont eu lieu entre les mois de mars et avril. En 2012, un autre naufrage survenu entre les 6 et 7 septembre faisait près d'une centaine de disparus. « Les familles ont organisé des dizaines de manifestations, de marches et de rassemblements. Leur seule revendication, c'est de connaître le sort de leurs enfants disparus. (..) Ils n'ont toujours pas obtenu de réponse », a déclaré Abderahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, lors d'une conférence de presse tenue jeudi. Au mois d'octobre, deux naufrages près des côtes italiennes ont coûté la vie à près de 400 personnes. « Malheureusement, cette tragédie n'a pas relancé le débat sur la migration et les disparus », déplore Hedhili. Les familles des migrants seraient en effet « livrées à elles-mêmes » dans leur combat pour la recherche de la vérité. Malgré tous les efforts de quelques ONG et associations tunisiennes et étrangères, selon le président du forum, seuls les gouvernements italien et tunisien seraient capables de donner des réponses. « Si une enquête a été établie, alors qu'ils fassent une conférence de presse pour révéler les résultats », a-t-il dit. Quelques familles des disparus étaient présentes à la rencontre organisée par le Ftdes, munies de portraits de leurs proches disparus. La tension était à fleur de peau. « Nous n'abandonnerons pas nos enfants. Nous savons qu'ils sont vivants, nous avons vu une vidéo dans laquelle on les voit débarquer (ndlr en Italie). Pourquoi les autorités ne nous disent pas quand est-ce qu'ils seront libérés ? », s'interroge la mère d'un disparu. Deux décennies, 20.000 morts « 20.000 personnes sont mortes en Méditerranée depuis les années 1990. Pour des raisons socio-économiques, on continuera de migrer, tandis que les politiques sécuritaires de l'Europe tuent les jeunes de la Méditerranée », soutient Abderahmane Hedhili. « L'idée selon laquelle la militarisation de la Méditerranée fait baisser le nombre de morts est fausse. Depuis 1990, la mortalité ne fait qu'augmenter », renchérit Nicanor Haon, responsable du pole migration au Ftdes. Les chefs d'Etat européens se sont réunis récemment pour prendre la décision de renforcer le système sécuritaire en Méditerranée afin de limiter le nombre de victimes. « Presque toutes les personnes ayant été expulsées depuis l'Europe nous disent : quand on arrive à Lampedusa et quand on est sur un bateau, on est survolé par un avion ou un hélicoptère. Les bateaux sont donc déjà repérés. Ce qui manque c'est la volonté politique de secourir et de laisser circuler les personnes », affirme Haon. En rappelant les revendications du Ftdes relatives aux accords de la Tunisie avec l'UE, le militant a souligné que le pays devrait « arrêter de négocier aussi bien avec l'UE qu'avec les gouvernements européens sur la question migratoire, tant qu'il n'existe pas de droits en Tunisie qui protègent tous les migrants, tunisiens et étrangers. La Tunisie devrait aussi refuser toutes les expulsions depuis l'Europe et répondre aux familles qui attendent de connaître la vérité sur le sort de leurs proches ». Le Ftdes prévoit d'organiser un événement dans les semaines à venir avec les familles des disparus, afin d'inciter les parties concernées à leur fournir des réponses.