Incertitude économique et un stabilité politique et sécuritaire accroissent rétisences des institutions financières internationales. Imperturbables, intransigeants, autistes. Les politiques, dans une large proportion, s'enfoncent chaque jour un peu plus dans un dialogue de sourds, dans une crise de confiance sans fond et sans fin. Les élus de l'ANC et les acteurs du Débat national n'ont plus d'yeux ni d'oreilles que pour leurs tiraillements, leurs divergences, leurs querelles, leurs manœuvres et leurs candidats au prochain gouvernement de compétences nationales, des ministres indépendants censés ne pas être concernés par les enjeux des prochaines élections. Malgré l'optimisme affiché au départ, comme d'habitude, les deux camps — Troïka et opposition — campent chacun sur sa position et bloquent le processus gouvernemental. Des menaces de faire échouer le Dialogue national se font même entendre. Blocage incompréhensible, notamment pour le choix du chef du gouvernement, d'autant que les deux derniers candidats restés en lice bénéficient du respect de tous et le vote au sein du Dialogue national a abouti à un écart de 10 voix, favorable à Mohamed Ennacer. Entêtement injustifié au regard des déclarations débordantes de patriotisme, d'allégeance à la Tunisie et de dévouement au peuple tunisien. Les calculs partisans et les non-dits ont encore une fois eu raison de la crédibilité des politiques, de leurs promesses et de leur feuille de route. Encore une fois, les dates et les délais ne sont pas respectés, les décisions cruciales ne sont pas prises à temps. Situation économique déplorable Le blocage politique sévit alors que le pays s'enlise dans une crise économique historique et un malaise social sans précédent. La situation économique n'a jamais été aussi déplorable. Le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie prévoit une année 2014 très difficile. La situation d'incertitude économique et, surtout, d'instabilité politique et sécuritaire est telle que les institutions financières internationales ne veulent plus débloquer de fonds pour la Tunisie. Le FMI, insatisfait en raison des engagements non respectés, s'abstient de verser la 3ème tranche du prêt de 1,7 milliard de dollars accordé en juin 2012. La Banque africaine de développement, dont la Tunisie est un des plus fidèles clients, fait savoir qu'elle ne peut pas soutenir indéfiniment les pays du «Printemps arabe» qui n'arrivent toujours pas à sortir de la transition, et qu'elle ne débloquera plus de crédits en leur faveur. Concomitamment, le dernier verdict de l'agence de notation Fitch Ratings tombe «à pic» pour confirmer le climat d'inquiétude et abaisse encore une fois la note de la Tunisie à BB- avec perspectives négatives. Il est clair que les observateurs et les analystes internationaux s'inquiètent du sort du pays, particulièrement après les deux derniers attentats avortés à Sousse et Monastir. Et qui dit inquiétude, dit rétention d'investissements, absence de croissance et de création d'emplois, agitations sociales, etc. Au même moment, les décideurs tunisiens gaspillent leurs énergies, leur temps et celui des Tunisiens à tergiverser sur le choix du prochain chef du gouvernement dont la tâche sera de sauver ce qui peut être sauvé de la faillite économique et de préparer, dans les meilleurs délais possibles, les prochaines élections pour un mandat de cinq ans. Bras de fer au lieu du consensus Pourquoi est-ce si difficile de s'entendre sur le successeur de Ali Laârayedh alors que la situation sécuritaire empire et que les espoirs d'une relance économique s'amenuisent? Pourquoi les réserves et les oppositions de chaque camp ne portent-elles que sur les personnes alors que les priorités sont ailleurs ? Tous les politiques parient sur le consensus pour sortir de la crise. Mais tous se retranchent dans un bras de fer interminable et butent sur toutes les décisions qu'ils doivent prendre ensemble. Ensemble car, en cette période de transition, seul le consensus est à même de permettre aux institutions d'être érigées et de fonctionner. Le consensus permettra de détendre le climat politique et social, de réinstaurer la confiance des investisseurs nationaux et étrangers et de faire renaître l'espoir chez les Tunisiens. Mais il est clair que la Tunisie est hypothéquée par une crise de confiance lancinante entre les détenteurs du pouvoir et les faiseurs du contre-pouvoir. Une crise si profonde qu'ils n'arrivent même pas à s'entendre sur la définition du consensus : unanimité ou majorité ? Certains observateurs se gardent de parier sur le succès de la Feuille de route. Et les Tunisiens, excédés, à bout de patience, confrontés au terrorisme, cherchent désespérément à sortir du tunnel.