Conditions de vie précaires, pas de permis de séjour, pas de travail, pas de soins.. Ce n'est pas la première fois que la question de la migration est mise sur le tapis. Depuis la révolution, elle est récurrente. Pas plus tard qu'hier, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) a reçu, à son siège à Tunis, des migrants subsahariens installés chez nous par nécessité. Sans permis de séjour, ni statut de réfugié, cette population multinationale africaine mène sous nos cieux une vie de ghetto aussi précaire que menacée. Et la fermeture récente du camp frontalier de Choucha n'a fait qu'aggraver ses conditions. Ce sont désormais deux mille personnes qui sont livrées à elles-mêmes, sans protection aucune. Le Ftdes, fondé en 2011, n'a cessé depuis de tirer la sonnette d'alarme sur une politique migratoire qui fait défaut. Cela malgré les appels répétés de la société civile en de nombreuses occasions. Lors d'une conférence tenue hier matin, des émigrés étaient présents pour livrer leurs témoignages à visage découvert. Devant un auditoire aussi attentif que réceptif, ils ont raconté leurs malheurs, faisant part de leur détresse et de leur colère. Pourquoi nous a-t-on réservé un tel sort? Pourquoi la Tunisie nous a-t-elle tourné le dos, alors que nous sommes du même continent ? Jusqu'à quand va durer ce statu quo infernal, sans possibilité de réintégration, ni même un droit d'accès aux soins nécessaires, au logement et au travail ? Ainsi se sont-ils indignés, reprochant au gouvernement son silence. Sans pour autant omettre de dire que la Tunisie et l'Union européenne sont en train, depuis 2011, de négocier un partenariat pour la mobilité. D'après le Ftdes, cet accord bilatéral ne devrait plus exclure la Tunisie de la gestion rationnelle des flux migratoires ni l'empêcher de faciliter aux migrants vivant sur son sol leur réadmission. Au sujet de ces manquements à tous ces droits vitaux, le Ftdes a tenu à réagir. Certes, l'ultime but est de jeter les bases d'une mobilisation de la société civile. Pendant pas moins de cinq mois, ce Forum s'est attelé à mener une étude exploratoire relative à cette question. Ses premiers résultats ont été divulgués hier aux journalistes. Cas d'agressions signalés « Notre organisation s'est rendue sur le terrain, à Tunis et à Sfax, pour conduire des entretiens, des observations avec des étrangers de différentes nationalités afin de recenser les limites de leurs droits et de leur application», indique le rapport. Il en ressort que la situation est en train d'empirer. Mis à part les étudiants étrangers résidant en Tunisie, l'on note que 20% des hommes et 40% des femmes sont, jusqu'à présent, sans permis de séjour. De même, il n'existe pas de procédures de régularisation. Des problèmes d'entrée et de sortie sont également à relever. A ce propos, l'on note également la contestation très fréquente de la validité des documents chez les femmes. Ce qui donne lieu à des sanctions financières et provoque des risques de détention. Autant de pratiques qui suscitent chez eux un sentiment de déni et de mépris : «Nous sommes punis pour avoir fait confiance à ce pays qui a tourné le dos à l'Afrique», ont-ils affirmé. Pis encore, l'échantillon aléatoire d'une cinquantaine d'étrangers subsahariens vivant sur le territoire national, indique le rapport, a témoigné de plusieurs cas d'abus et d'agressions à caractère verbal ou corporel. En fait, ajoute le rapport, 50% des interrogés ont été sujets à des agressions verbales et 25% ont subi des actes de violence physique. Aucun cas d'abus sexuel n'a été signalé, mais cela ne signifie pas leur inexistence, selon le Ftdes. Faute d'une régularisation, ces victimes ne peuvent même pas porter plainte auprès de la justice. D'où l'appel à remettre les pendules à l'heure afin que chacun puisse bénéficier de ses droits les plus élémentaires.