Maya, une jeune association scientifique, étudie l'adaptabilité d'une technique de traitement des eaux usées, « bio-réacteur à membrane », qui a permis, en Namibie, de fabriquer de l'eau potable à partir des eaux d'égouts Un modèle de station rudimentaire conçue par un binôme d'étudiants de l'Institut supérieur des sciences biologiques appliquées de Tunis et installée dans le grand hall du siège de l'Utica, pour tester une nouvelle technique de traitement des eaux usées appelée «bio-réacteur à membrane ». L'occasion, un séminaire scientifique international (12-14 novembre 2013) organisé par Maya, une association nouvellement créée (août 2013) par un groupe d'universitaires et d'experts spécialisés dans la question de l'eau, dans le but de contribuer, par le biais de la science, à la prévention de la Tunisie contre la pénurie d'eau. L'objectif de cette première manifestation de Maya, qui compte parmi ses partenaires l'Université El Manar de Tunis, l'université UNSW de Sydney (Australie), l'Office national de l'assainissement et le Centre international des technologies de l'environnement de Tunis, est la formation et la sensibilisation. «Former les jeunes étudiants aux nouvelles technologies en relation avec l'eau , relever le niveau des connaissances scientifiques en s'ouvrant sur des expériences étrangères réussies et sensibiliser les pouvoirs publics et les industriels à l'utilité environnementale et à la rentabilité financière des nouveaux procédés de traitement et de valorisation des eaux usées, comme le bio-réacteur à membrane », explique Dr Raoudha Gafrej, trésorière de l'association. Cette technique très prisée dans les pays développés assure un traitement poussé des eaux usées permettant leur réutilisation dans l'irrigation des cultures maraîchères, ce qui n'est pas encore possible en Tunisie en raison de la non-conformité des eaux traitées dans les stations d'épuration de l'Onas aux normes d'irrigation de ces cultures très sensibles. Le développement de cette technique en Namibie, utilisée depuis 1973, a permis d'aboutir à la fabrication de l'eau potable à partir des eaux d'égouts. Maîtriser les nouvelles techniques L'intérêt de l'introduction de cette technique en Tunisie est certain, selon les scientifiques. «Nous consommons plus que nos capacités en eau, on réutilise à peine 25% des eaux que nous traitons (236 millions de mètres cubes), le reste est jeté en mer, et toutes les études stratégiques prévoient une importante diminution du potentiel d'eau en même temps qu'une augmentation de la consommation nationale, donc des pénuries graves en perspective et des menaces sur notre sécurité alimentaire, voire notre survie», argumente Dr Olfa Khelifi, présidente de Maya. «Ces nouvelles techniques « membranaires » sont intéressantes mais nous ne les maîtrisons pas et elles demeurent onéreuses ; la connaissance et la recherche scientifiques peuvent nous aider à trouver des composants de substitution, des matériaux locaux qui remplaceraient la membrane, et nous rendre ces technologies plus accessibles», indique pour sa part Mme Amel Jrad, directrice général du Citet. Avis partagé par la présidente et la trésorière de Maya qui affirment être motivées par la volonté de promouvoir la recherche scientifique et d'être à l'écoute des étudiants pour leur offrir des opportunités de formation dans les nouvelles technologies de l'eau. Le problème de l'eau reste, en effet, entier en Tunisie. Toutes les études stratégiques prévoient une grave diminution du potentiel en eau à l'horizon 2030 et peut-être même avant, eu égard aux effets déjà visibles des changements climatiques, comme la sécheresse. Cela, outre le fait qu'en raison de son climat semi-aride à aride, la Tunisie souffre d'un déficit hydrique chronique (faible pluviométrie) aggravé par une consommation nationale dépassant les ressources (5 fois plus que le potentiel en eau) et par une mauvaise qualité des eaux souterraines dont 80% présentent une forte salinité dépassant 3 g/l. En Tunisie, la dotation actuelle est de 450 mètres cubes d'eau par habitant et par an alors que cette proportion à l'échelle mondiale atteint 1000 mètres cubes par habitant et par an. La seule solution préconisée à cette situation est le meilleur traitement possible des eaux usées et leur réutilisation dans différents applications et domaines. Pour sa première manifestation, l'association Maya s'est engagée à faire connaître en Tunisie la technique du bio-réacteur membranaire auprès des étudiants et des industriels contraints en vertu de la loi en vigueur à procéder au prétraitement des eaux de rejets industriels qui ne peuvent être lâchées dans le réseau de l'Onas qu'après avoir subi une première dépollution. Cette contrainte ne réjouit certes pas les industriels mais les études d'impact économique ont démontré que les retombées positives du prétraitement, dans le moyen et le long termes, sont assurées sur le double plan environnemental (économie d'eau et d'énergie, dépollution) et financier.