Le secteur dénonce des décisions unilatérales prises par le ministère de l'Enseignement supérieur Les relations sont au plus mauvais point entre la Fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et le ministère de l'Enseignement supérieur. Les négociations, qui se sont poursuivies jusqu'à hier entre les deux parties, ont définitivement échoué. L'organe officiel, en l'occurrence le ministère, serait en grande partie responsable du dialogue stérile qui s'est déroulé depuis des mois entre les deux intervenants et qui n'a abouti à l'application d'aucun accord. Pourtant, juste après la révolution, la Fédération qui représente les corps des enseignants chercheurs, des enseignants technologues et des enseignants agrégés, avait été on ne peut plus claire sur la nécessité d'instaurer un dialogue entre tous les intervenants dans l'espace universitaire (doyens, recteurs d'universités, enseignants, étudiants, responsables administratifs exerçant au sein du ministère de tutelle...) afin de s'engager sur des pistes de réflexion sur la prochaine réforme qu'il faudrait mettre en place pour apporter des changements structurels à un système universitaire en perte de vitesse et qui souffre de nombreux dysfonctionnements. La Fédération, avec l'approbation du ministère, a mis en place l'année dernière une commission nationale chargée du pilotage de la réforme universitaire dans laquelle sont représentés le ministère ainsi que le syndicat composé de membres représentant les différents corps universitaires. Par ailleurs, il a été prévu de créer quatre sous-commissions chargées de travailler sur les problèmes et les insuffisances liées à la formation, à la recherche scientifique, à la carte universitaire et aux ressources humaines et d'esquisser des solutions. Afin d'engager un dialogue à grande échelle et de faire participer le plus grand nombre d'intervenants à la réflexion, la Fédération a proposé qu'un comité de réflexion soit créé dans tous les instituts, les institutions et les facultés se trouvant sur le territoire «afin de pouvoir recueillir les remarques et les propositions des enseignants universitaires et de leur transmettre des axes de réflexion et des feuilles de route», nous a déclaré Mme Monia Cheïkh, enseignante universitaire à la faculté des sciences de Tunis, secrétaire générale-adjointe chargée des relations internationales et membre du bureau exécutif de la Fédération, au cours d'une conférence de presse, qui s'est tenue hier dans un hôtel de la capitale, présidée par Hassine Boujarra, secrétaire général de la Fédération. «Nous voulions tourner la page des nombreuses réformes universitaires qui avaient été engagées sous les deux précédents régimes sans consulter ni faire participer des acteurs de l'espace universitaire, à l'instar des doyens et des enseignants. Pendant une année et demie, nous avons fait tout notre possible pour instaurer ces comités dans les universités et les facultés sur l'ensemble du territoire», précise-t-elle. Une série de séminaires sont organisés dans les régions du nord, du centre et du sud sur les thèmes de la formation, de la recherche scientifique, de la carte universitaire, des ressources humaines.... Favorable, au début, à cette nouvelle conception de la réforme, le ministère participe aux travaux de la commission nationale (qui se tient une fois par mois) ainsi qu'aux réunions avec la Fédération, mais reste passif et ne propose rien de concret pour aider à lancer les bases de la nouvelle réforme. Les premiers accrochages vont commencer lorsque la fédération propose au ministère de prendre des mesures afin d'améliorer les conditions de travail des enseignants chercheur et de développer la recherche scientifique dans les instituts universitaires se trouvant dans les régions. La Fédération propose d'accorder un congé d'études payé aux enseignants technologues ainsi qu'aux enseignants agrégés qui désirent achever des travaux de recherche, préparer leur habilitation, développer un projet de transfert technologique, outre l'octroi d'une prime afin que les enseignants chercheurs dans les régions puissent faire face aux dépenses liées notamment au logement, au déplacement... Par ailleurs, les membres de la Fédération ont également proposé de mobiliser davantage de ressources et d'assouplir les procédures administratives relatives à la gestion des budgets des cellules et des laboratoires de recherche situés sur tout le territoire. « Nous avons proposé des mesures visant à encourager les enseignants chercheurs à enseigner dans les régions et à créer des unités de recherche. Le ministère doit mettre à leur disposition des moyens afin d'améliorer leurs conditions de travail et de leur permettre de poursuivre leurs recherches. En effet, les enseignants chercheurs qui enseignent dans les régions ont besoin de se déplacer fréquemment pour poursuivre leurs travaux de recherche. Nous avons proposé au ministère de prendre en charge les dépenses liées aux déplacements des enseignants dans le cadre de leurs recherches. Nous avons également proposé au ministère de mobiliser les ressources nécessaires pour améliorer l'infrastructure universitaire et développer les structures de recherche dans les régions intérieures », relève encore Monia Cheïkh. Au cours des réunions qui vont suivre, le ministère proposera une feuille de route, promettant que des mesures seront mises en place pour améliorer les conditions de travail dans les régions. Mais, à chaque fois, ces promesses sont reportées à des échéances ultérieures, ce qui a fini par provoquer la colère des membres de la Fédération qui décident d'organiser une première grève en avril. «Nous avons tenu une réunion en avril avec le chef du cabinet du ministère et avons de nouveau abouti à un accord, relève la Secrétaire générale-adjointe. Nous avons alors décidé de reporter la grève. Puis, les négociations se sont poursuivies jusqu'à mi-juin sans que rien de concret ne soit décidé. Nous n'avons eu droit, en définitive, qu'à des promesses». Alors que les négociations sont au point mort, le ministère décide d'amender le statut des enseignants agrégés sans consulter qui que ce soit. Le décret qui est publié dans le journal officiel, au cours de l'été, crée une grande surprise au sein du corps universitaire, suscite la colère de la Fédération et se trouve à l'origine de la grève organisée le 10 octobre dernier. Le ministère persiste et signe en prenant une nouvelle décision concernant le corps des chercheurs. Un décret est, en effet, publié au courant du mois d'octobre dans le Jort fixant un nouveau statut pour un nouveau corps de chercheurs. Encore une fois, la Fédération n'a pas été consultée et c'est la goutte qui a fait déborder le vase. «Il s'agit de décisions unilatérales qui ont été prises sans consulter ni les doyens, ni les enseignants universitaires, ni les membres de la Fédération», observe Mme Cheïkh. Et de poursuivre : «Nous avons tenu une réunion avec le chef de cabinet du ministère afin de demander à ce que ces textes de loi ne soient pas appliqués. Mais nous n'avons abouti à aucun accord». Aussi, une grève des enseignants universitaires sera-telle organisée demain pour protester contre l'immobilisme et les dernières décisions prises par le ministère.