Mais l'actualité du Dialogue national et ses horizons obstrués n'étaient pas absents... Syndicalistes, politiques, citoyens de tous bords et représentants de la société civile étaient hier au rendez-vous avec l'histoire. L'événement : la commémoration par l'organisation ouvrière du 61e anniversaire de l'assassinat du leader Farhat Hached, tombé en martyr le 5 décembre 1952. Il était autour de 11h du matin. Toutes les sensibilités nationales étaient venues participer au grand rassemblement, place Mohamed-Ali, lieu emblématique de toutes les manifestations d'expression et de protestation dans la capitale. L'ambiance était plutôt festive, déroulant le menu de la célébration qui a commencé dimanche dernier. Le siège de la centrale syndicale s'est paré de ses plus beaux atours, tout orné de drapeaux et de ballons rouges et blancs. La foule était aussi au rendez-vous, entonnant sans répit ni relâche l'hymne national, sur fond de chants patriotiques engagés. Autant d'acclamations pour l'Ugtt, mais aussi d'anathèmes contre le gouvernement et le parti islamiste au pouvoir. «Vive l'Ugtt, plus grande force dans le pays », « O Hached, de ta voie on ne dévie jamais», « Après le sang, pas de légitimité»: ces slogans, ainsi que d'autres, étaient repris de nouveau. Sur des banderoles, l'on pouvait également lire : « L'organisation ouvrière, pilier du développement équilibré et appui à la société démocratique», «La classe ouvrière à l'avant-garde des forces militantes pour la justice, la démocratie et le développement régional»... «Jugez l'assassin Merou...Non repenti...», lisait-on sur une autre affiche collée au mur du bâtiment. Qui est Merou ? C'est l'homme impliqué dans l'assassinat du leader Farhat Hached, avec la complicité de l'occupant français. Un crime odieux que la France vient tout récemment de reconnaître, en présentant ses excuses à la famille du défunt. Deux heures durant, l'on a assisté à une affluence massive des citoyens sympathisants et des jeunes des partis politiques voulant partager la fête. 13h00 pile : les rues aux alentours sont débarrassées de tous les véhicules. L'interruption de la circulation routière décidée par le ministère de l'Intérieur laissait le champ libre à une marche pacifique imposante, conduite par l'Ugtt. Une marche habituelle dont l'itinéraire parcourt les principales artères menant à La Kasbah, où repose la dépouille de Hached. En première ligne, le fils du défunt, le S G de l'Ugtt et les membres de son bureau exécutif. Et le cortège s'est ébranlé, sous haute protection sécuritaire, partant de l'avenue Mongi-Slim, en passant par celle de Bab Souika et Bab Bnet, pour arriver enfin au mausolée Farhat Hached à La Kasbah. Avant de déposer une gerbe de fleurs sur la tombe du martyr, dans le recueillement, le secrétaire général de l'Ugtt, Hassine Abassi, a prononcé une allocution. Allocution insistant sur quatre axes majeurs. L'orateur a commencé par annoncer l'inauguration du musée Farhat-Hached du mouvement syndical, dont l'ouverture officielle au public devrait avoir lieu l'année prochaine, en concomitance avec le 62e anniversaire. Il a rappelé les incidents tragiques survenus en décembre dernier, suite auxquels le siège de l'Ugtt a été la cible d'attaques de la part des Ligues de protection de la révolution. Abassi a juré de ne pas lâcher prise, affichant sa détermination à poursuivre l'affaire jusqu'à l'identification des coupables. Il a appelé à ne pas céder aux pressions et campagnes portant atteinte à l'image de la centrale syndicale et à son parcours : « Nul ne peut toucher à l'indépendance de l'Ugtt, à sa liberté et à sa démocratie». Par ailleurs, Abassi a indiqué que cette commémoration a coïncidé avec la crise politique et économique dans laquelle se débat le pays, et avec un dialogue sans issue à l'horizon. «Au cas où les partis politiques ne parvenaient pas à un consensus, ce statu-quo pourrait avoir de lourdes conséquences sur tous les plans, sécuritaire, économique et social», a-t-il conclu.