Fédération, clubs, joueurs et parents : on essaye de bouger mais le système est plus fort Le tennis tunisien présente un paradoxe inquiétant. C'est un sport à l'étiquette de bourgeois et d'aspect inaccessible, mais en même temps, c'est un sport qui gagne en popularité depuis des années. Cela dit, c'est aussi un sport où il y a du potentiel à tous les niveaux, mais où il y a également des incompétents partout qui gèrent ou qui se présentent comme «experts» en tennis. Plus de cinq mois après l'investiture du nouveau bureau fédéral, et quelque temps après les élections du TCT et de quelques autres clubs, a-t-on vu vraiment des signes de changement ? Même si le temps est réduit pour soigner les maux du tennis tunisien, on voit bien que l'on continue à évoluer dans le même système et à être otage de la même tenaille. Une tenaille où l'amateurisme et l'incompétence font la loi face aux tentatives de réforme et de relance. Ce système dure depuis des années et se base sur des personnes incompétentes mais influentes, des structures biaisées et de mauvais choix. Le résultat est le même : des performances qui se font de plus en plus rares, des polémiques de plus en plus en vogue (l'affaire Malek Jaziri en premier lieu), des joueurs exilés, perdus et à qui on n'accorde plus d'intérêt (Slim Hamza, Nour Abbès, Sonia Daggou, Ahmed Triki...), des clubs qui privilégient le tennis de loisirs (avec des recettes incroyables!) sur la formation et l'élite... C'est qu'on est resté cloué aux mêmes réflexes et au mêmes méthodes inefficaces pour planifier l'avenir de tennis. Et pour escamoter les défaillances qui persistent à la fédération et aux clubs, on se cache derrière les performances de Malek Jaziri et Ons Jabeur. Ce sont les deux seuls joueurs financés par l'Etat tunisien, qui continuent de ‘‘protéger'' indirectement les dérapages et l'incompétence. Pas de nouveau Il y a cinq mois, un nouveau bureau fédéral a pris les rênes de la FTT au terme d'élections tumultueuses (une seule liste présente). On ne peut pas tout imputer à la fédération, on ne peut pas expliquer la fragilité et la dégradation du tennis tunisien uniquement par la passivité des dirigeants de la FTT, mais on reste étonne que l'on continue de gérer les affaires du tennis tunisien d'une manière subjective. Et même quand Selma Mouelhi a trouvé l'oiseau rare en ramemant Louis De Souza (technicien de renommée), elle ne lui a pas offert les conditions minimales pour changer ce système faillible. En quelques mois, un DTN s'en est allé, Adel Lahdhiri; le poste reste vacant. La présidence de la FTT prend tout son temps pour confier le poste de DTN à De Souza, à cause de la procédure administrative. Sinon, la fédération agira comme avant : mêmes règles, mêmes réflexes, et heureusement que De Souza a changé la façon dont use le département technique. Plus de rigueur, des programmes déjà prêts. Mais est-ce que le bureau fédéral suit et fait ce qu'il a promis aux clubs lors des élections? Absolument pas. Au contraire. Beaucoup d'inexpérience, tant de précipitation et un emploi du temps trop chargé qui empêche les dirigeants de la FTT de tenir leur vrai rôle. Clubs et parents Au moment où la relève en joueurs d'élite garçons et filles devient insignifiante (c'est un indicateur très dangereux), les doigts sont pointés vers la FTT. Ce qui est vrai en partie, mais ne lui faisons pas porter le chapeau. Les clubs du tennis tunisien sont aussi en partie responsables. Les années passent et nos chers clubs, qui ne subissent aucun contrôle fédéral efficace sur ce qu'ils font, versent de plus en plus dans le tennis de loisirs : courts réservés aux particuliers et aux adultes alors qu'on chasse les enfants du club et les meilleurs qui payent eux aussi des cotisations sans être bien encadrés. Ce qui se passe dans nos clubs est un véritable drame : des directions techniques aux abonnés absents, alors que n'importe qui dirige et planifie les affaires techniques. C'est ce qui explique la dégradation de la qualité et du nombre de joueurs d'élite. Le vrai problème se situe au niveau des clubs. Et même les clubs les plus riches et les mieux dotés ont perdu leur identité. Ils passent de clubs formateurs à des clubs de loisirs où la rentabilité économique passe avant toute autre considération. Cela sans parler des petits clubs, marginalisés par la FTT lesquels clubs n'ont même pas de quoi subvenir aux besoins de leurs joueurs (balles et raquettes). Ce système hérité depuis des années nous étouffe d'autant que l'on continue à gérer n'importe comment. Ces quelques talents détectés peuvent-ils progresser dans cet environnement hostile? Ils n'ont que leurs parents pour les encadrer et pour les financer. Mais, revers de la médaille, ces parents se transforment en entraîneurs et en experts pour diriger la carrière de leurs enfants. Allez visiter les clubs tunisiens pour voir des parents de joueurs rentrer sur les courts et diriger les séances d'entraînement devant des entraîneurs au profil bas qui ne peuvent rien dire. Ces parents font de la pression sur la FTT et sur le ministère et sur tout le monde pour imposer leurs enfants. Au passage, des guerres entre parents de joueurs pour s'imposer en sélection. Si l'on continue avec ce même décor, s'il n'y a pas une réelle volonté de changer ce système, on va tout droit vers une impasse. Jaziri et Jabeur ne sont pas éternels. A-t-on pensé à la relève? A-t-on le courage de résoudre les problèmes et de reconnaître les erreurs commises à la FTT et dans les clubs? Nous pouvons espérer.