Lancement sur le web de la première plateforme de données sociales, un des chantiers engagés depuis trois ans par le Centre de recherches et d'études sociales Malgré un contexte politique, économique et social des plus défavorables, un travail de titan a été réalisé par le Centre de recherches et d'études sociales, créé en 1996, au cours des trois dernières années. Outre la restructuration du centre et la mise en place d'un nouvel organigramme, un nouveau souffle a été donné à l'unité de recherches et d'études pour répondre à un besoin pressant et combler une grande lacune : le manque d'informations sociales et le caractère inopportun de ces informations quand elles sont disponibles. Aujourd'hui, le Cres commence à récolter les fruits de son labeur et les premiers résultats des études de recherches ont été présentés, mercredi dernier, lors d'une journée d'information, par l'équipe de chercheurs du centre. Les présentations ont concerné le Datawarhouse et le site web ; les bases de données juridiques ; l'identifiant unique ; la réflexion sur la réforme de la retraite ; les indicateurs de rendement des systèmes de retraite (une comparaison Cnss et Cnrps) et l'évaluation de la performance des programmes d'assistance sociale et les défis de l'informalité. Datawarhouse et site web De grands chantiers ont été simultanément lancés par le Cres après la révolution. Le premier : la mise en place d'une plateforme d'informations sociales fiables et son lancement, depuis mercredi dernier, sur le web (www.cres.tn). Cette première base de données sociales fiables, complètes, actualisées et analysées, propre au Cres, donc au ministère des Affaires sociales, est le résultat d'un travail harassant de collecte, de classification et d'analyses de milliers de données sociales fournies par plusieurs sources, en l'occurrence les trois caisses sociales (Cnrps, Cnss, Cnam), sur la base d'un historique de 13 ans. Tous les indicateurs sociaux y figurent au moindre détail : emploi, assurance maladie, maladies professionnelles, régimes de retraite, secteurs public, privé, informel, les caisses, etc. Sur le site, également, une autre base de données, juridiques celle-là, Legis, où l'on peut trouver toute la législation sociale —textes de loi et d'application, en arabe et en français— relative à toutes les activités, toutes les catégories et tous les secteurs du domaine social. Cette plateforme de données, qui garantit un accès rapide et facile à l'information, est un outil indispensable aux projets de recherches et aux études liés au domaine social. Elle est, également, une plateforme décisionnelle importante qui permet plus de visibilité et de lisibilité nécessaires à la prise de décision. «Cette évolution du Cres était indispensable car au moment où le ministère des Affaires sociales manquait énormément d'études et d'informations recherchées et analysées nécessaires à la prise de décision, le Cres (jadis appelé Cress) ne s'occupait que de sécurité sociale laissant tout le reste à l'Institut national de la statistique». Ces propos tenus à l'ouverture de la rencontre par M. Khalil Zaouia, ministre des Affaires sociales, qui a encouragé et soutenu la mise à niveau du Cres, mettent les chantiers du centre dans leur contexte actuel, celui de la modernisation du système d'information et de l'administration en général. «L'information statistique sociale a toujours été le parent pauvre ; désormais, c'est fini. Mieux encore, la mise en place de cette plateforme de données va faciliter la réalisation des études nécessaires avant l'engagement des grandes réformes», précise M. Rchid Barouni, directeur général du Cres, qui souhaite qu'au terme d'un effort collectif on débouche sur la conception d'un modèle social tunisien aussi performant que les modèles qui ont réussi dans d'autres pays, comme le Brésil ou la Suède. Pour cela, le centre s'est investi dans la formation de ses cadres et la promotion de leurs compétences notamment en matière d'information, de communication et d'analyse des données. Aujourd'hui, des cycles de formation à distance sont proposés pour tous les cadres du domaine de la sécurité sociale. Les grands chantiers sociaux Parmi les projets du Cres, à côté de la prochaine publication bimensuelle de sa Lettre : l'étude sur le secteur informel, qui échappe à la couverture sociale comme au fisc, et les moyens d'étendre la protection sociale à l'économie informelle. Une enquête de terrain sera lancée début 2014 sur la base d'un échantillon de 8.000 ménages afin de collecter le maximum de données sur le secteur informel. L'objectif étant de relever un double défi : d'une part, intégrer ces familles dans le système de sécurité sociale pour qu'elles puissent bénéficier d'une assurance maladie et plus tard, à un âge avancé, d'une pension de retraite ; d'autre part, évaluer la performance des programmes d'assistance sociale. Il s'agit là de réviser la liste des familles nécessiteuses qui bénéficient du programme national d'aides sociales estimées à 236.000 familles. Le principe étant que la situation sociale d'une famille peut s'améliorer ou empirer, selon les circonstances et dans le cas d'espèce, une révision périodique de la liste s'impose. «Nous devons identifier les erreurs et les abus, retirer de la liste les faux nécessiteux et y inscrire les personnes qui ont réellement besoin d'aides sociales», explique M. Barouni. L'autre chantier auquel le Cres mobilise ses chercheurs : le système de gestion de l'identifiant unique. Ce vaste chantier qui a démarré sous forme de réflexion en 2001 et entré en service en 2004, vise au final l'adoption d'un identifiant national unique entre toutes les caisses sociales, sachant que la Cnrps compte 2 millions de bénéficiaires, la Cnss 5 millions et la Cnam l'ensemble des 7 millions d'affiliés aux deux caisses. Cet identifiant unique permettra, entre autres, d'identifier et d'éviter la double immatriculation et la double couverture sociale, de reconstituer la grappe familiale (composition de la famille) et d'améliorer la qualité de service comme dans le cas complexe d'une reconstruction de carrière. Un des chercheurs du centre, Mehdi Barouni, notera que «ce système de gestion est une révolution dans la maîtrise et le traitement de l'information sociale». Le Cres s'intéresse également à la réflexion sur l'épineux sujet de la réforme du système de retraite. Un sujet qui alimente le débat et fait couler beaucoup d'encre. Partout dans le monde, le problème de la retraite pèse de tout son poids sur les équilibres financiers des caisses et sur le devenir de cet acquis social de plus en plus controversé. Mehdi Ben Braham, enseignant chercheur, s'inquiète du devenir des caisses «en déficit financier depuis quelque temps» et de la pension de retraite car, dit-il. «Nous ne pouvons pas engager une réforme du système de retraite dans un contexte de 7 et 8% d'inflation, il faut une stabilité politique pour pouvoir lancer un débat national sur la question car toutes les réformes de la retraite sont impopulaires». D'autres hauts cadres de la Cnss et de la Cnrps, présents à la rencontre, estiment, pour leur part, qu'il ne faut pas perdre plus de temps et qu'il est possible d'engager la réflexion et la réforme progressivement par étapes à propos de ce sujet brûlant et urgent. Le directeur général du Cres pense déjà à une autre rencontre pour réfléchir et débattre de la question de la réforme de la retraite.