Par Bady BEN NACEUR La vocation du club Tahar-Haddad s'est-elle perdue? Bien sûr que non. Il y a, seulement, que ce XXIe siècle débordé avec les effets de la révolution tunisienne a, en quelque sorte «masqué», idéologiquement (religieusement), les espoirs d'humanité qu'une jeunesse, d'une génération à l'autre, attendait. Le club Tahar-Haddad dit bien son nom et en l'occurrence, il est intimement lié à celui de Jelila Hafsia qui est à l'origine de ses lettres de noblesse, en donnant à toutes les Tunisiennes, au nom du Code du statut personnel (CSP), la bonne occasion de venir s'exprimer, à haute voix, au sujet de toutes les libertés fondamentales, au cœur même de la Médina de Tunis. En suivant l'itinéraire de cette Simone de Beauvoir tunisienne, militante acharnée de la cause féminine en Tunisie, un peu comme le fut la Louise Michel des Barricades à Paris en 1848, amie d'une autre militante acharnée pour l'indépendance de la Tunisie, Me Gisèle Halimi, on ne peut que s'étonner du silence qui s'est abattu soudain sur ce club. Club, faut-il le rappeler, qui a dû changer d'adresse puisqu'il fut dans un premier temps à l'adresse actuelle du Centre d'art vivant de la place Pasteur. Puis au cœur de la Médina où il vécut ses riches heures, Jelila Hafsia y présidant à sa destinée avec un courage et une maestria, encourageant l'intelligence, le savoir-faire et le combat pour la juste cause de la femme tunisienne. Durant des années, ce club Tahar-Haddad, naguère écuries de Dar Lasram, aura été, en effet, un véritable vivier pour la préservation des droits de la femme, à travers des manifestations grandioses dans le domaine des arts et de la culture, manifestations entretenant toujours l'esprit critique et la réflexion pratique pour aller de l'avant, au point qu'il a toujours dérangé les gouvernements qui se sont succédé, jusqu'à ce jour. Du Belvédère au Club de la Médina en passant par l'Espace Sophonisbe (encore une femme célèbre, de l'Antiquité celle-là) de Carthage — qui s'en souvient aujourd'hui ? — Jelila Hafsia, chroniqueuse à La Presse de Tunisie «En toute liberté», avait fini par écrire ses mémoires. Mémoires d'une époque — et même de plusieurs — où s'entrecroisaient les esprits éclairés littéraires et artistiques combattant ceux bien souvent étriqués et mensongers des pouvoirs politiques qui avaient la mainmise sur tout. Au final, la Révolution du 14 janvier est arrivée, comme un tsunami, balayer toutes ces tares qui empêchaient la claire intelligence de s'exprimer. Juste retour des choses aujourd'hui, puisque ce club féminin, jusqu'au bout des ongles mais ouvert à la gent masculine non machiste, lui rendra un vibrant hommage après-demain, vendredi. Jelila Hafsia, qui se porte comme un charme, femme indépendante (toujours !), fière, pragmatique, toujours debout pour la cause du peuple, nous parlera de ces «chemins de la liberté» jamais faciles qu'elle aura parcourus sa vie durant. Soyez nombreux, chers lecteurs, lectrices, témoins de cette époque ou jeunesse, belle jeunesse, qui voudriez en savoir plus sur ce passé qui est le vôtre et qu'en le sachant mieux, vous pourriez aborder l'avenir avec plus de lucidité... .