«Houmani» est incontestablement la chanson de rap de l'année 2013. Mise en ligne sur Youtube le 14 septembre, elle a été visionnée 6 millions de fois en trois mois, sans compter les passages sur les chaînes de radio, de télé, les réseaux sociaux, les remix et les multiples versions. Ecrit, musiqué et interprété par Kafon et Mohamed Amine Hamzaoui, ce morceau de rap au succès fou tourne au phénomène national et même international. Dans «Houmani», mot inventé, il y a «Houma» (quartier populaire) et le titre de la chanson évoque justement ces quartiers défavorisés où les jeunes réduits au chômage, à la misère, à la drogue et à l'ennui étouffant y sont confinés sans perspectives, ni horizons, «vivant telles des ordures dans une poubelle, pauvres, sans le sou...». Toutefois, le clip où défilent les personnages d'un quartier défavorisé de l'Ariana, entre femmes, enfants, vieux et jeunes, est pétri d'humanité et de valeurs telles la fraternité et la solidarité. Les paroles simples et argotiques parlent aux jeunes et reflètent leur réalité. Traversée par un souffle poétique et mélancolique, la chanson ne manque pas de faire un clin d'œil à la politique en tournant en dérision une exclamation du président Moncef Marzouki (Nendebhom), suggérant l'automutilation. La musique, entre rap et reggae, est à la fois entraînante et lancinante et décline de belles sonorités. Malgré le succès de «Houmani», Amine Hamzaoui ne fait pas le tour des studios et des plateaux pour en parler. C'est qu'il s'est juré de ne sortir de son silence que le jour où son compagnon Kafon, condamné en juillet 2013 à une année de prison pour consommation de drogue, sortira de taule. Il faut donc dire que l'année 2013 n'a pas seulement été marquée par «Houmani» mais a été l'année du rap par excellence. Cette expression musicale qui conteste le système a fait l'objet de polémiques, de procès artistiques, intellectuels et judiciaires. Plusieurs rappeurs dont Weld El 15 et Clay BBJ ayant connu la prison, alors que d'autres y moisissent encore. Ce qui pose encore une fois le problème de la liberté d'expression.