La séance a été levée plusieurs fois par le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar, pour apaiser les tensions Cela devait être une séance historique, celle du début de la discussion sur la Constitution, article par article, dans un climat de sérénité et sur la base du laborieux travail de la commission des compromis. Mais c'était sans compter avec les coups de théâtre auxquels nous ont habitués nos élus. La séance avait pourtant bien commencé. Le rapporteur général de la Constitution, Habib Khedhr, rappelle les règles : « L'article est lu une première fois, le président de la séance donne la parole à un député qui soutient l'article et un autre qui s'y oppose. Les propositions d'amendement sont ensuite proposés au vote et, enfin, l'article, tel qu'il est amendé, est proposé au vote final ». Au départ, la question qui préoccupait les observateurs et certains députés était de savoir si le bloc jouissant du plus grand nombre de députés (en l'occurrence le parti Ennahdha) allait respecter les compromis convenus. Premier test, le consensus relatif au remplacement du terme « sur la base des principes islamiques » par « exprimant les principes de l'islam », dans le préambule de la Constitution, est accepté par une large majorité des députés. La confirmation vient quelques minutes plus tard, lorsque la proposition du député Azed Badi (Mouvement Wafa) est rejetée par 125 voix contre. Celle-ci appelle à réintégrer la référence aux «spécificités culturelles du peuple tunisien», pour atténuer l'universalité des droits de l'Homme. Des interprétations peu innocentes A partir de l'intervention de la députée Nahdhaoui, Salma Sarsout, la volonté de transformer le débat historique sur la Constitution en un espace d'interprétation idéologique des compromis s'est manifestée. « Dans le préambule de la Constitution, il est clairement énoncé que les principes de l'islam dans leurs significations profondes prennent la première place, puis en seconde place les principes universels des droits de l'Homme », explique-t-elle. Au cours de la séance de l'après-midi, l'intervention de deux députés d'Ennahdha, pour s'exprimer sur le pour et le contre en même temps, a fini par mettre le feu aux poudres. Le député Kamel Ammar interprète à sa guise le paragraphe relatif au système républicain. Prenant la parole, le président du groupe parlementaire d'Ennahdha, Sahbi Atig, tente de rassurer l'opposition. « Ce qui compte, c'est le vote et non pas les dérives de part et d'autre ». Pendant ce temps, Ameur Laârayedh bouge dans tous les sens, tantôt pour rappeler ses troupes à l'ordre, tantôt pour rassurer les députés de l'opposition, qui commencent à soupçonner une volonté d'influencer les futures interprétations juridiques du préambule de la Constitution. La séance est levée plusieurs fois par le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar, pour apaiser les tensions. Sahbi Atig demande même à ce que les amendements proposés dans le cadre de la commission des compromis passent au vote sans discussion, « afin, dit-il, de gagner du temps ». Une journée test, gâchée par des débats idéologiques sans contenu. Une journée de moins dans le calendrier, au cours de laquelle le préambule n'a pas encore été voté dans son ensemble... Encore 145 articles.