L'annulation de la loi n°38/2013 du ressort de l'ANC. Le parrainage renforcé. Le service civil maintenu La mobilisation du 7 janvier des médecins de la santé publique et leur grève de six jours déboucheront-elles sur une plateforme d'entente entre la corporation et le département de tutelle? La réponse se saura les jours prochains en fonction de l'impact des « quatre propositions de sortie de crise » du ministre de la Santé, Abdelatif Mekki, annoncées officiellement hier lors d'un point de presse. Résultats des concertations menées ces derniers jours avec différentes parties concernées par les protestations des médecins, ces propositions «répondent au souci de calmer la tension et d'agir dans l'intérêt général et celui du secteur de la santé», considère le ministre du gouvernement provisoire sortant de Ali Laârayedh. Le travail obligatoire maintenu pour les futurs étudiants Primo : la loi n°38/2013 instituant le travail obligatoire dans les régions intérieures du pays pendant trois ans pour les médecins de la santé publique en fin de résidanat ne sera pas appliquée sur les actuels résidents, internes et étudiants. En revanche, la loi entrera en vigueur à partir de cette année 2014 pour les futurs étudiants en médecine. Rappelons que c'est la deuxième proposition du ministère à ce sujet ; la précédente, remontant à fin décembre 2013, stipulait une application progressive de la loi n°38, mais celle-ci a été refusée par la corporation. Par ailleurs, le ministre affirme avoir obtenu de l'ANC «de ne soumettre en plénière le projet de loi n°38/2013 qu'après un délai d'au moins deux mois afin d'approfondir la réflexion et le dialogue autour de la question et de permettre d'éventuels amendements du projet de loi». Secundo : le service civil d'un an dans les régions intérieures pour les nouveaux assistants fraîchement diplômés sera maintenu. Le ministre insistera sur le fait que «le service civil est appliqué depuis l'époque de Bourguiba qui l'a institué en 1957». Et d'ajouter : «Si le service civil était appliqué comme il se doit et respecté par tous, il n'y aurait pas eu ce problème de manque de médecine de spécialité dans les régions». Toutefois, le ministère de la Santé précise que la loi sur le service civil n'avantage pas les médecins et que ces derniers gagneraient à l'échange si ce mécanisme passait sous l'égide de la nouvelle loi n°38 considérant les avantages y afférents. Tertio : le parrainage des équipes médicales exerçant dans les hôpitaux régionaux par les seniors des CHU des grandes villes sera renforcé. «Ce mécanisme est également ancien mais ne bénéficie pas de cadre réglementaire et financier». La nouveauté réside dans le fait que le ministère de la Santé l'a placé dans un contexte de partenariat avec les pôles universitaires pour en faire un mécanisme de qualité et de soutien à la médecine de spécialité (soins lourds, formation des médecins) dans les hôpitaux régionaux et non de substitution aux soins quotidiens. Quarto : création d'une commission élargie de réflexion sur les mesures à prendre en vue de consolider la médecine de spécialité dans les régions, et ce, soit dans le cadre de la nouvelle loi ou à travers d'autres formules. Des attentes en suspens Les propositions du ministre de la Santé répondent-elles aux revendications des médecins du service public ? Hormis la suggestion sur le renforcement du parrainage ou partenariat, demandée également par les médecins, toutes les autres vont devoir être discutées encore et examinées de plus près. Les médecins revendiquent l'annulation pure et simple de la loi n°38, le ministre de la Santé considère qu'il n'est pas concerné. «C'est l'ANC qui l'a promulguée et l'ANC dit que ce n'est pas possible mais la loi peut évoluer avec des amendements après concertations ». Les médecins demandent la révision des statuts. «Pourquoi pas, ça se discute », estime le ministre. Les médecins exigent du ministre de s'excuser auprès du Pr Chokri Kaddour, anesthésiste-réanimateur à l'hôpital La Rabta, agressé par un agent de sécurité du ministère devant l'entrée principale du bâtiment. «C'est chose faite bien que l'enquête soit en cours et qu'il n'y a pas encore eu confirmation de l'agression», avance le ministre. Autre revendication : l'amélioration des conditions de soins et de travail dans les hôpitaux régionaux qui manquent d'équipements adéquats. Contestation du ministre cette fois qui soutient que les équipements existent dans les hôpitaux régionaux et qu'ils sont même dans certains cas sous-exploités à cause de l'absence du personnel qualifié comme en radiologie. Il faut admettre que la vague de contestations et d'accusations provoquée par le projet de loi sur le travail obligatoire des spécialistes dans les régions pendant trois ans a laissé beaucoup d'amertume de part et d'autre et surtout du côté des habitants des régions intérieures. Pourtant, toutes les parties, y compris les médecins, s'entendent sur le fait que les régions souffrent d'un manque flagrant de médecine de spécialité, une aberration qu'il importe de corriger ensemble sans plus tarder. Qu'est-ce qui a bien pu faire dégénérer la situation à ce point ? Serait-ce la décision inattendue en novembre dernier du ministre de la Santé de construire 5 nouvelles facultés de Médecine dans des régions intérieures sans consultations préalables et au moment où le pays fait face à sa plus grave crise économique et sociale dans un contexte de tensions et de tiraillements politiques ? La décision surprise, jugée populiste et pré-électorale, avait provoqué un tollé et déclenché le début du bras de fer entre la corporation et le ministère de la Santé. A cette question de La Presse, le ministre répond : la décision de création de ces facultés a été précédée par la consultation de la profession, en l'occurrence de doyens de facultés de Médecine qui ont donné leur approbation. Par ailleurs, cette décision ne va pas entraîner d'importants investissements car des structures existantes (anciens instituts) et non utilisées vont être converties pour abriter ces facultés. En outre, la création de nouvelles facultés de Médecine va donner plus de chance aux jeunes Tunisiens de faire des études en médecine dans leur pays au lieu de les faire ailleurs et confronter le problème de l'homologation. Affaire à suivre, d'autant que les médecins tiennent eux aussi une conférence de presse, aujourd'hui, où ils ne manqueront pas de manifester leurs réactions quant aux propositions du ministère de la Santé.