Laârayedh déclare que son gouvernement continuera à bénéficier de prérogatives effectives. Mehdi Jomâa attend encore que Marzouki lui remette sa lettre de désignation Ali Laârayedh a fini par présenter, hier, la démission officielle de son gouvernement au Dr Moncef Marzouki, président provisoire de la République. Chargé par ce dernier de poursuivre ses fonctions en tant que chef du gouvernement jusqu'à ce que Mehdi Jomâa forme son équipe ministérielle et obtienne la confiance de l'Assemblée nationale constituante, Ali Laârayedh n'a pas manqué de faire remarquer que son cabinet poursuivra ses fonctions en bénéficiant de toutes les compétences que lui accorde la petite Constitution. En plus clair, la déclaration du chef du gouvernement démissionnaire met un terme au débat qui traverse la scène politique nationale depuis le démarrage du processus du Dialogue national ayant abouti au choix de Mehdi Jomâa pour constituer le prochain gouvernement. Il s'agit de savoir si celui de Laârayedh, transformé en gouvernement de gestion des affaires courantes, continue ou non de bénéficier des prérogatives qui lui sont confiées par la petite Constitution née des élections du 23 octobre 2011. Ainsi, les propos de Laârayedh posent-ils de nouveau la problématique de plus belle parmi ceux qui considèrent que le gouvernement de gestion des affaires courantes n'a plus à gouverner (prendre les décisions et surtout procéder à des nominations) et ceux qui estiment qu'il continuera à diriger le pays effectivement. Les dernières batailles d'Ennahdha Pour Riadh Ben Fadhl, secrétaire général d'Al Qotb et membre du Front du salut national, «le gouvernement Ali Laârayedh est de juré et de facto, un gouvernement démissionnaire en charge uniquement de la gestion des affaires courantes pour garantir la continuité du service public. Ce qui veut dire qu'il n'a aucunement la légitimité de prendre des décisions importantes, exception faite des cas de force majeure». Et Ben Fadhl de poursuivre son analyse : «Il est clair qu'Ennahdha livre ses dernières batailles symboliques en cherchant à imposer une règle non constitutionnelle, celle de voir un chef de gouvernement démissionnaire parapher le texte de la Constitution. C'est un combat d'arrière-garde dont la portée est avant tout symbolique et ne fait que plonger le pays dans une crise profonde économique et sociale». En attendant la désignation officielle de Jomâa Sitôt la démission de Laârayedh consommée officiellement, est apparue une deuxième problématique : quand Moncef Marzouki, procédera-t-il à la désignation de Mehdi Jomâa pour former son gouvernement ? Jawher Ben M'barek, constitutionnaliste et président du réseau Destourna, précise : «Le président provisoire de la République doit charger, selon la petite Constitution, Jomâa de constituer son équipe ministérielle en lui accordant un délai de 15 jours pour le faire. Au cas où Jomâa ne réussit pas à former son équipe dans les délais ou qu'il n'arrive pas à obtenir la confiance de la Constituante, le président provisoire se verra dans l'obligation de charger une autre personnalité de former un gouvernement, et ce, conformément à l'article 19 de la petite Constitution». Mais quand précisément Marzouki est-il tenu de désigner Mehdi Jomâa pour constituer son cabinet ? Sur le plan juridique, «la petite Constitution ne fixe pas de délai au président provisoire de la République pour remettre à Mehdi Jomâa sa lettre de désignation», précise Jawher Ben M'barek. Autrement dit, Marzouki peut recevoir aujourd'hui Mehdi Jomâa et lui demander de former le gouvernement. Il peut également le faire à une autre date qu'il est totalement libre de choisir à sa guise. «En principe, la désignation doit intervenir dans les prochaines heures puisqu'il ne saurait y avoir de vide au niveau de l'Etat dans la mesure où nous disposons actuellement d'un gouvernement officiellement démissionnaire, d'une part, et d'un chef de gouvernement désigné attendant, d'autre part, le feu vert pour dévoiler la liste de ses ministres», fait remarquer Jawher Ben M'barek. De son côté, Riadh Ben Fadhl est convaincu que «Marzouki fera tout pour que Laârayedh appose sa signature sur le texte de la Constitution. Quant à Mehdi Jomâa, il peut toujours attendre sa lettre de désignation». Du côté du Quartet, parrain du Dialogue national, on est d'avis que Marzouki est appelé à désigner Jomâa le plus tôt possible. «D'ailleurs, nous allons rencontrer demain (aujourd'hui) le chef de l'Etat pour lui demander d'accélérer la désignation de Jomâa que nous considérons comme étant le candidat du Dialogue national. De ce fait, il n'a pas à être cautionné ou adoubé par quiconque parmi les partis politiques, en particulier Ennahdha», révèle, à La Presse, Ali Zeddini, rapporteur du comité de liaison Dialogue national-ANC et membre du bureau directeur de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (Ltdh).