Des groupes de pression essayent d'interférer dans les choix du chef du gouvernement qui aurait déjà choisi cinq femmes pour figurer dans son cabinet «Je ne suis pas un faiseur de miracles, mais je ferai de mon mieux et mettrai à profit mon expertise et les compétences de la nouvelle équipe gouvernementale pour surmonter les difficultés et faire face aux défis présents afin de rétablir la stabilité et réformer ce qui doit l'être». Mehdi Jomâa s'exprimait ainsi, vendredi dernier, après avoir reçu sa lettre de désignation de la part de Moncef Marzouki, président provisoire de la République, en vue de former officiellement son gouvernement. Les propos de Jomâa ont le mérite d'être clairs, transparents et concis. Ils reflètent, à coup sûr, une haute conscience de la nature des défis qui l'attendent. Reste à savoir si ces propos conjugués à ceux relatifs aux critères de la compétence, de la neutralité et de l'impartialité pour le choix des ministres qui formeront le prochain gouvernement seront traduits dans les faits et la réalité le jour où Jomâa dévoilera son équipe ministérielle ? D'ores et déjà et dans la foulée des indiscrétions se multipliant à un rythme effréné sur les identités des ministres (ceux qui n'attendent qu'à être désignés officiellement et sur ceux qui ont déjà décliné l'offre de Jomâa ainsi que sur ceux qui voient leurs chances basculer au gré des jours voire des heures), l'opinion publique s'interroge sur ce que fera le futur chef du gouvernement à propos des dossiers suivants. Quels sont les ministères qui seront intégrés les uns dans les autres dans le but de réduire au maximum le nombre des départements ministériels et, partant, des ministres et des secrétaires d'Etat pour parvenir à un cabinet qui ne dépassera — comme le soutiennent plusieurs observateurs et experts — les 20 personnalités ? Mehdi Jomâa procédera-t-il à la réduction des dépenses publiques en imposant à ses ministres et autres hauts cadres de l'Etat d'accepter que leurs salaires soient revus à la baisse et que leurs privilèges soient aussi révisés ? Enfin, que pensent les acteurs du paysage politique national des informations — ou des affirmations — selon lesquelles Jomâa aura recours, pour constituer son gouvernement, à des compétences tunisiennes confirmées mais exerçant à l'étranger depuis plusieurs années et, de ce fait, coupées des réalités de la Tunisie, plus particulièrement des régions de l'intérieur considérées comme étant les oubliées du processus de développement, avant et après la révolution. Des solutions pratiques et possibles Pour l'économiste Abdeljelil Bédoui, «les solutions existent et elles ne sont pas impossibles à concrétiser et plusieurs pays s'étant trouvés dans la même situation que la Tunisie l'ont déjà fait et en ont récolté les dividendes». «D'abord, précise-t-il, il faut mettre en œuvre une loi de finances complémentaire pour l'exercice 2014 fondée essentiellement sur la réduction des dépenses publiques. Le gouvernement Jomâa doit donner l'exemple en matière de préservation de l'argent public en réduisant au maximum le nombre des secrétaires d'Etat et des conseillers ou chargés de mission qui pullulent dans les ministères, sans nécessité ou réel rendement. Je propose, à titre d'exemple, que les avantages en nature (voitures, bons d'essense, etc.) soient remplacés par des avantages financiers. Cette expérience a été entreprise au Maroc, à l'époque du Roi Hassan II, et plusieurs ministres et hauts fonctionnaires de l'Etat se sont trouvés dans l'obligation de racheter à l'Etat (selon la formule des tranches mensuelles) les voitures de fonction qui étaient à leur disposition». Quant à la recomposition des ministères, Abdeljelil Bédoui précise: «L'expérience de l'intégration a déjà été utilisée et il faut s'y pencher pour déceler ses avantages et essayer d'éviter les erreurs qui pourraient en découler. Plusieurs départements peuvent se transformer en un pôle regroupant les ministères assumant des fonctions similaires ou proches. Pourquoi pas un ministère de l'Education, de l'Enseignement supérieur et de la Formation ou un ministère de l'Economie, des Finances et du Commerce ou un ministère de la Jeunesse, des Sports, de l'Enfance et de la Femme». L'étape est aux compétences ancrées dans le réel tunisien «Nous savons que plusieurs groupes de pression font tout pour interférer dans les choix de Mehdi Jomâa et essayer d'imposer leurs poulains dans son équipe ministérielle. Au sein de Nida Tounès, nous ne sommes pas, dans l'absolu, contre le recours aux compétences tunisiennes qui ont fait leurs preuves à l'étranger. Toutefois, nous estimons que l'étape actuelle est celle des compétences qui sont au fait des réalités nationales, plus particulièrement les maux dont souffrent les régions de l'intérieur. De toute façon et contrairement aux informations circulant un peu partout, nous avons la conviction qu'il n'y aura pas beaucoup de ministres qui viendront de l'étranger. A l'opposé, le nombre des femmes parmi l'équipe de Mehdi Jomâa s'élèverait à cinq et c'est une initiative que nous applaudissons vivement», révèle Noureddine Ben Ticha, membre du bureau exécutif de Nida Tounès. Pour ce qui est de la réduction des dépenses publiques à travers l'adoption d'une politique d'austérité ferme qui commencera d'abord par les ministres, secrétaires d'Etat et hauts fonctionnaires, le responsable nidaiste indique: «Les 1.000 millions de dinars qui pourraient être économisés comme l'avancent certains experts, est trop exagéré. Retrancher 20% des salaires des ministres ou limiter les avantages en nature dont ils bénéficient, ça ne répond pas aux exigences de l'heure et ça ne permettra pas d'agir sur les déficits budgétaires». Ben Ticha pense également que «Mehdi Jomâa sera contraint, dans tous les cas, à mettre en œuvre une nouvelle loi de finances qui rectifiera les erreurs contenues dans celle que lui a léguée Ali Laârayedh». Sur un autre plan, il est plus que jamais pressant de limiter au maximum le nombre des ministres et des ministères. «Plusieurs propositions ont été avancées. Nous sommes pour l'inclusion, par exemple, du ministère de l'Education avec ceux de l'Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle et pour la création d'un seul ministère qui englobera l'enfance, la jeunesse et la femme, etc.», conclut-il.