Le projet de la nouvelle Constitution du 1er juin 2013 consacre l'article 124 à la création d'une autorité constitutionnelle chargée de l'organisation et de la régulation des médias. Cet article a été contesté par les professionnels des médias en ce sens qu'il ne distingue pas entre les médias de la presse écrite et ceux audiovisuels. Sachant que la plupart des pays démocratiques confient la régulation des médias audiovisuels à une instance indépendante tandis que la presse écrite assure sa propre autorégulation. Après de longues campagnes de sensibilisation des députés par la Haica (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle) et des professionnels, la nouvelle version de l'article 124 consacre cette distinction dans la mesure où la Haute autorité indépendante consacrée par l'article 124 est strictement chargée de réguler les médias audiovisuels. Interrogée à ce propos, Rachida Neifer, membre de la Haica, estime que «la nouvelle version de l'article 124 est loin d'être satisfaisante en ce sens que cette nouvelle autorité, si elle venait à être adoptée dans le cadre de la nouvelle Constitution, serait une Haica diminuée dans ses compétences. En effet, ce projet de la Constitution n'accorde que des compétences consultatives. Or, une autorité de régulation a besoin d'un pouvoir réglementaire dans le cadre du fond de ses activités. Plus, le même projet constitutionnel accorde dans l'article 123 à l'Isie un pouvoir réglementaire alors qu'il ôte ce même pouvoir à la Haica dans l'article 124. Ce pouvoir décisionnel est extrêmement important et tel qu'il est prévu dans le décret-loi 116 du 2 novembre 2011, il permet à la Haica l'octroi de licences de diffusion, l'élaboration de cahier des charges et le contrôle des campagnes électorales. Toutes ces tâches deviendraient irréalisables si l'article 124 venait à être adopté dans sa forme initiale». Maintenant, la composition de la nouvelle Haica, telle qu'elle est prévue par l'article 122 du même projet serait l'émanation du pouvoir législatif, devant lequel l'instance serait politiquement responsable. Autrement dit c'est le même pouvoir politique qui élit les membres de la Haica qui peut leur retirer sa confiance. Ce qui constitue une grande limitation à l'autonomie et à l'indépendance de cette instance. Ce qui pousse Rachida Neifer à faire ce commentaire : «Cette approche consacrée dans le projet de la Constitution nous rappelle à plus d'un titre le défunt ‘‘conseil supérieur de la communication'' sous Ben Ali. Lequel était purement consultatif et formé de membres nommés par le président de la République». Ce qui constituera une nette régression par rapport aux acquis arrachés au lendemain du 14 janvier ainsi que par rapport à l'actuelle Haica qui, de par ses textes, a la compétence de réguler les médias audiovisuels dans le but de consacrer la liberté d'expression qui s'exerce dans le respect de l'éthique professionnelle et des droits humains. C'est pourquoi des amendements ont été proposés par la Haica et adoptés par un groupe de députés. Ainsi, la campagne de sensibilisation auprès des autres groupes parlementaires se poursuit car il est nécessaire que la nouvelle Constitution consacre de façon irréversible la levée de la mainmise des pouvoirs politiques sur l'information et les médias, sans lequels aucune démocratie ne peut s'inscrire dans la durée et notamment dans la stabilité. Les prochains jours nous diront si le choix de la liberté et de la démocratie l'emportera.