Seule la littérature possède une efficacité d' «arme fatale», Nedjma, auteur de «L'amande» l'a utilisée. Libre, crue et jubilatoire. Ce livre ne se vendait pas encore à Tunis, lorsque, entre amis, on se l'arrachait, tellement, il était accrocheur dès la première page. Un cinéaste l'avait ramené de France et pensait pouvoir l'adapter pour la télévision, ce qui était pratiquement impossible, vu son érotisme brûlant. Mais ce roman n'est pas que ça. C'est surtout un manifeste féministe et des plus beaux qu'on n'ait jamais lu. Sorti en 2004 aux éditions Plon, L'amande a eu un succès immédiat en France et dans de nombreux autres pays. En substance, le roman retrace le parcours de Badra, une jeune et belle Marocaine qui fuit le mari que sa famille lui a imposé pour se réfugier chez sa tante à Tanger. Là, elle découvrira, sous la tutelle de Driss, brillant cardiologue, les raffinements, mais aussi les affres du plaisir amoureux. L'auteure écrit dans son prologue que seule la littérature possède une efficacité d'«arme fatale», alors elle l'a utilisée. Libre, crue et jubilatoire. «Avec l'ambition, ajoute-t-elle, de redonner aux femmes de mon sang une parole confisquée par leurs pères, frères et époux. En hommage à l'ancienne civilisation des Arabes où le désir se déclinait jusque dans l'architecture, où l'amour était débarrassé du péché, où jouir était un devoir du Croyant». On dit que l'auteure vit dans un pays du Maghreb, elle a dû se cacher derrière un pseudonyme pour pouvoir lever ces mots, «comme on lève un verre à la santé des femmes arabes, pour qui reprendre la parole confisquée sur le corps, c'est à moitié guérir leurs hommes». A lire, absolument, ce cri de colère, de révolte, et d'amour, cette confession érotique stupéfiante d'audace et de franchise. A relire en périodes de doute. Car «l'amande» (c'est ainsi que Driss appelle Bedra) qui est une leçon de vie, vous aide à vous réconcilier avec votre propre corps, et à garder la tête sauve.