LASHKAR GAH, Afghanistan (Reuters) — Les soldats américains et britanniques poursuivent leurs préparatifs afin de reprendre "pour toujours" aux talibans la ville de Marjah, l'un des derniers bastions des islamistes afghans dans la province méridionale du Helmand. Les "marines" américains et les soldats britanniques devraient lancer très prochainement une opération massive contre un labyrinthe de canaux tenus par les insurgés islamistes à Marjah, ville symbole entre toutes de l'influence occidentale en Afghanistan. Il y a plusieurs dizaines d'années, des experts en développement venus de Washington ont construit Marjah pour peupler une zone désertique rendue fertile par les canaux d'irrigation. Aujourd'hui, on y cultive le pavot, principale source de revenus des talibans pour qui cette région est stratégique et qui se disent prêts à résister "jusqu'à la mort" à l'offensive des forces alliées et afghanes. En annonçant publiquement l'imminence de l'attaque, les alliés espèrent, avant même d'engager le combat, provoquer des défections dans les rangs ennemis et obtenir leurs premiers succès dans la nouvelle stratégie de "réintégration" des taliban dans le champ social et politique. "La contre-insurrection, c'est quoi ? Ce n'est pas vaincre l'ennemi dans une bataille à l'ancienne, c'est gagner les gens à sa cause", affirme à Reuters Television le général James Cowan, commandant des 10.000 militaires britanniques basés au Helmand. "Si nous voulons gagner ce combat pour le peuple, la phase décisive ce n'est pas le nettoyage mais la permanence de notre notre présence. Je ne parlerai pas du temps qu'il faudra pour nettoyer, mais pour ce qui est de rester je serai très précis. Il s'agira de rester pour toujours", ajoute-t-il dans son QG de Lashkar Gah, la capitale de la province. Structure civile Les combats qui s'annoncent risquent d'être parmi les plus intenses enregistrés en Afghanistan depuis le début de l'intervention militaire occidentale fin 2001. Pour la première fois, les forces alliées bénéficieront des renforts annoncés à l'automne par Barack Obama. Les effectifs occidentaux sont aujourd'hui de 114.000 hommes et devraient atteindre près de 150.000 dans le courant de l'année. Mais le calendrier pour les militaires est contraignant car le Président américain s'est engagé à entamer un retrait partiel des forces américaines à partir de l'été 2011. En parallèle avec l'opération militaire, les alliés ont mis sur pied une structure civile ayant pour mission de se mettre à l'écoute de la population afin de répondre à ses besoins. Kristin Post est une scientifique américaine spécialisée dans les questions sociales. Elle fait partie d'une "Equipe de terrain humaine" créée par le ministère américain de la Défense et qui travaille depuis plusieurs mois avec les "marines". "Nous savons qu'il faut que la population soit de notre côté. Alors, nous nous demandons ce qui fait qu'elle choisit éventuellement la mauvaise voie", dit-elle. "On peut être bardé de bonnes intentions et taper à côté de la plaque, créant ainsi une brèche dans laquelle s'engouffrent les insurgés", ajoute-t-elle de son camp de base, situé à seulement 12 km de Marjah. Post et son chef d'équipe, John Foldberg, participent à la stratégie de "contre-insurrection" évoquée par le général Cowan. "Notre travail, c'est d'aller à la rencontre de la population et de les écouter, les anciens, les mollahs, les hommes et les femmes ordinaires", explique John Foldberg. Pour Kristin Post, les alliés ont trop souvent cherché à imposer par le haut les solutions. "Dans nos sociétés occidentales, on a tendance à avoir un projet, à trouver le financement et à y aller. Moi, j'aimerais vraiment qu'on interroge les gens d'un village sans idée préconçue, qu'on trouve la solution localement".