Les œuvres du duo Myriam Zahra Chaouch et Karima Ben Saad ne manquent ni d'originalité ni d'imagination, encore moins de subtilité. Leur exposition Femme-F âme à la galerie Ali-Guermessi en est bien la preuve. Toute la recherche plastique des deux artistes tourne autour du même sujet : la femme. Cependant, chacune l'appréhende d'une manière différente, apportant l'une comme l'autre sa vision personnelle, sa propre philosophie et ses émotions. Et c'est justement cette différence des approches qui fait toute la richesse et la profondeur de cette rencontre. Près d'une trentaine de toiles ont été abritées depuis samedi dernier à la galerie Ali-Guermessi, qui témoignent de leur grand talent et de leur passion commune. Originaire de Kalaâ Kebira, doctorante en arts visuels à l'Institut supérieur d'art dramatique (Tunisie), membre dans des associations d'arts et de culture et animatrice d'atelier d'arts plastiques, Karima Ben Saad est une jeune artiste plasticienne dont l'originalité de l'œuvre ne laisse pas indifférent. Son travail est imprégné de pensées philosophiques et de réflexions poétiques.Un travail dont la technique repose sur la gravure, la photographie et le photomontage. A travers son œuvre, elle laisse s'exprimer ses impulsions, dictées par sa sensibilité et son émotion. Par l'utilisation de la gravure comme fondation de l'image, Karima produit une œuvre fine et délicate. Selon le cadrage choisi, elle nous donne à voir des fragments de corps photographiés en noir et blanc, parfois «badigeonnés» en rouge ou en jaune, réduits à des formes vives détachées d'un fond neutre, anonyme. La couleur des traits est là, sombre mais intense pour accentuer des impressions dénonçant des stéréotypes, des injustices commises envers la femme. Son travail engagé traite et lutte contre toute forme d'oppression ou de discrimination subie par la femme. La vie, la mort, les bruits, le silence et la souffrance, le tout tourne autour de la femme et forme l'environnement nécessaire à l'artiste pour créer, elle le rappelle avec les titres de ses tableaux: Ensevelissement, Dytique: Vie/Mort, Déchirement, Illusion, Criaillerie,... Les formes et la fureur des traits nous entraînent dans des tourbillons infinis de mots (calligraphie) et de maux : on ne sait plus qui hurle, le personnage, le trait, les alentours ou... l'artiste. Femme «Tutti Frutti»... Diplômée de l'Institut supérieur des beaux-arts de Tunis en 2011, doctorante au même Institut, fondatrice des journées artistiques à l'Institut supérieur des arts et métiers de Mahdia et chroniqueuse à Radio-Monastir, Mariem Zahra Chaouch est une jeune artiste ambitieuse et pleine de talent. Cette double compétence artiste-technicienne donne à ses toiles un caractère atypique. En effet, Mariem Zahra a la particularité de travailler d'abord sur des supports numériques pour créer ses œuvres avant de les mettre en peinture et de leur donner vie. Dans sa recherche de la perfection visuelle, l'artiste place souvent les femmes au cœur de créations complexes, intrigantes et débordantes de mystère et d'imagination. De «succulents» portraits de corps féminins incrustés de fruits paradisiaques tout en partant du premier fruit, la pomme de la tentation, les oranges pulpeuses, les kiwis exotiques, jusqu'au mystérieux fruit suave appelé œil du dragon.Les courbes et les attitudes de ses modèles photographiés puis «montés» nous renvoient au plaisir, à la beauté mystérieuse englobée dans le corps et l'âme de la femme. «Choisissant cette thématique, où je traite le rapport de femme/fruit/nature comme thématique essentielle, je le développe avec une certaine pudeur. M'infiltrant dans ma vie quotidienne, cela m'a permis de m'inspirer de mes plats quotidiens et des fruits que je savoure, qui me donnent de l'énergie grâce à leurs vitamines. Je m'appuie sur le rapport existant entre la femme et les fruits : les deux sont symboles de fécondité et de fertilité, de vie et de naissance», explique-t-elle. Mariem Zahra redonne couleurs et matières à ces photogrammes et nous mène dans une confusion entre réalité et fiction. A travers ce travail, elle nous plonge dans une sorte de culture proche du pop art, qu'elle recrée dans ses tableaux aux couleurs «fluo» et aux formes intrigantes et «délicieuses». La forme, le trait et la matière représentent son mode d'expression, le tout au service d'une harmonie colorée. Celle-ci est parfois légère, translucide, énergique, puissante, profonde, diaphane, mais toujours poétique. Il faut seulement que le regard se laisse toucher et emporter par l'œuvre et dans l'œuvre.