Réunis pour l'amendement de l'article 19 de la petite Constitution, les députés sont revenus à leurs amours: la division et les tiraillements Fidèles à leur tradition, les constituants ont donné, hier après-midi, lors de la séance plénière consacrée à l'amendement de l'article 19 de la petite Constitution (relatif au retrait de la confiance au gouvernement) une nouvelle preuve de la division et des tiraillements qui caractérisent, désormais, les rapports qu'entretiennent les élus du peuple. Une nouveauté s'est invitée cette fois à l'ambiance régnant à l'hémicycle du Bardo : beaucoup de constituants se sont étonnés de voir un autre projet d'amendement de l'article 6 du règlement intérieur de l'ANC s'ajouter à l'ordre du jour de la séance plénière. Ils ont tenu à déclarer, en chœur : «Les SMS nous convoquant pour la séance plénière se sont limités à l'examen de l'article 19 de la petite Constitution. Seulement, quand nous avons regagné l'ANC, nous avons été surpris par l'ajout de l'amendement de l'article 6 du règlement intérieur relatif à l'autonomie financière de la Constituante. Personne ne nous a consultés sur cet ajout». Et la polémique de s'engager : faut-il examiner ce projet d'amendement ou le rejeter purement et simplement ? Après moult tergiversations, points d'ordre et échange d'insinuations, les constituants ont décidé de discuter l'amendement en question. 90 votants ont été pour, alors que 52 s'y sont opposés et 29 ont choisi de s'abstenir. Dans la confusion Reste à savoir en quoi consiste l'amendement de l'article 19 de la petite Constitution. Il s'agit d'un accord consensuel né des tractations entre l'ANC et les représentants du Dialogue national. Selon l'accord convenu, l'ANC aura, à l'avenir, le droit de retirer sa confiance au gouvernement sur la base de la majorité renforcée, soit les 3/5 de constituants votants. En plus clair, le gouvernement Jomâa pourra perdre la confiance de l'ANC (si jamais il en bénéficie) au cas où 130 constituants (216 à la suite du décès de Mohamed Allouche) décident de voter une motion de censure à son encontre. Et bien avant le démarrage du débat, levé immédiatement après l'intervention de Abdelwaheb Maatar (CPR), à la demande de Sahbi Attig, chef du groupe parlementaire d'Ennahdha, beaucoup de constituants, dont des nahdhaouis, ont dénoncé le projet d'amendement révélant que 130 constituants ont signé une pétition s'opposant à l'amendement. Néjib Mrad, constituant nahdhaoui connu pour son opposition au processus du Dialogue national et aux consensus qui en ont découlé, précise : «C'est une manœuvre qui s'est produite dans le dos des constituants. Seuls 10 membres de l'ANC ont signé une motion demandant l'amendement de l'article 19 de la petite Constitution». Et les désaccords relatifs à la composition du gouvernement Jomâa, provoqués par l'attachement de ce dernier à garder Lotfi Ben Jeddou dans son équipe ministérielle, de s'installer parmi les constituants. Ceux qui soutiennent le maintien de Ben Jeddou se sont évertués à énumérer ses compétences, son professionnalisme et ses réussites depuis sa désignation à la tête du ministère de l'Intérieur. A l'opposé, ceux qui refusent qu'il soit redésigné ministre de l'Intérieur argumentent leurs positions en soulignant qu'il n'est pas question qu'un seul membre du gouvernement Laârayedh fasse partie du prochain gouvernement. Les plus zélés parmi les pro-Ben Jeddou vont jusqu'à menacer qu'ils ne voteront pas la Constitution demain (dimanche), au cas où le ministre de l'Intérieur serait écarté du prochain gouvernement. D'autres, dont ceux du courant Al Mahabba, revenus à l'hémicycle du Bardo après avoir boycotté les dernières séances plénières de la discussion de la Constitution, estiment que «la Constitution ne passera pas puisque le peuple, qui n'est pas dupe des marchés politiques, fera tout pour la faire tomber si jamais elle est adoptée». En parallèle, au palais de Carthage, les journalistes attendaient, depuis 17h00, que Mehdi Jomâa annonce, enfin, ou la liste de son gouvernement ou son échec dans la mission qui lui a été confiée par le Dialogue national. Certains constituants n'hésitaient pas à faire remarquer que Mehdi Jomâa attendait avant de rendre sa copie que l'ANC adopte l'amendement de l'article 19 de la petite Constitution. Il est à préciser que Hassine Abbassi, secrétaire général de l'Ugtt, a rencontré, hier après-midi, le chef de gouvernement désigné. Malheureusement, la rencontre n'a abouti à aucun résultat concret, dans la mesure où ce dernier a réaffirmé son attachement à garder Ben Jeddou dans son équipe, en dépit de l'opposition du Front populaire. Bien que la séance ait repris ses travaux vers 22 heures et que certains députés aient pris la parole à l'instar de Mabrouk Hrizi (Wafa), Skander Bouallague (Al Mahabba), Néjib Hosni (indépendant), les choses n'ont pas évolué d'un iota. Les interventions tournaient autour de la «nécessité de respecter l'ANC et de ne pas obéir aux diktats du Dialogue national, la Constituante n'ayant d'ordre à recevoir de quinconque». «Les deals et les marchandages auxquels se livrent certains députés qui renient leurs engagements d'un jour à l'autre sont indignes de la Constituante et constituent une trahison pure et simple des électeurs qui ont accordé leur confiance à ces mêmes députés», ont souligné plusieurs intervenants.