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Chokri Belaïd, tel qu'ils l'ont connu
Assassinat de chokri Belaid - Témoignages
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2000

Des camarades de son parti et de sa famille politique ainsi que des amis intimes évoquent, ici, le souvenir du martyr Chokri Belaïd, l'homme et le militant, tel qu'ils l'ont connu
Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire et S.G. du Parti des travailleurs : «Un rassembleur et un homme de compromis, malgré les apparences»
Contrairement aux apparences, d'homme rigide et tranchant, Chokri Belaïd était très chaleureux, très convivial, très sociable et très aimable.
C'était un bon vivant. Il aimait la vie, ses ami(e)s, ses camarades de parti et sa famille. C'était un amoureux de tous les arts, notamment la littérature et la poésie. Il lisait donc beaucoup.
Contrairement, toujours aux apparences, il aimait rire et appréciait l'humour et les anecdotes. Il n'était pas du tout rancunier, car il savait pardonner; en un mot, il avait un cœur d'or.
J'ai connu également Chokri Belaïd le militant. Il avait une grande capacité à rassembler les gens, c'était un homme charismatique et fédérateur.
Certes, il était rigide dans ses principes idéologiques et politiques fondamentaux, mais en même temps c'était un homme de compromis. Car son but était de faire avancer son mouvement.
C'était donc quelqu'un de très souple sur le plan tactique, car il recherchait, à tout prix, l'unité de son parti. Ce n'était pas un rhétoricien, mais un homme qui alliait la pensée et la théorie à la pratique.
Ce n'était pas un intellectuel de café ni de salon. C'était plutôt un homme d'action qui avait toujours un tas d'idées et de propositions dans son sac.
Au cours de son parcours, le martyr Chokri Belaïd a beaucoup mûri, rapidement même. Ce qui lui a permis de jouer un rôle important dans l'unification du Mouvement des patriotes démocrates qui a donné naissance au Parti des patriotes démocrates unifié. Il a également joué un rôle majeur dans l'unification de la gauche marxiste et du mouvement nationaliste arabe dans le cadre du Front populaire.
Chokri Belaïd, l'avocat, était également un militant intrépide des droits humains et des libertés.
Ses adversaires et ennemis politiques qui ont tout fait afin de lui porter préjudice ont prétendu qu'il s'activait beaucoup en tant qu'avocat par cupidité, afin d'amasser le maximum d'argent, alors que la seule richesse de Chokri, durant toute sa vie, c'était ses convictions et ses credo moraux et politiques, ainsi que son militantisme et son dévouement au peuple tunisien.
Personnellement, j'ai trouvé en lui un ami, un frère, un camarade et je l'ai perdu au moment même où nous étions devenus très liés et très proches. La mort de Chokri Belaïd est une grande perte aussi bien pour moi et ses amis que pour l'ensemble des Tunisiens.
Mohamed Jmour, S.G. du Parti des démocrates unifié (Al-Watad) : «Il a beaucoup milité contre la violence politique et pour l'unité des forces démocratiques»
Sur le plan humain, c'était un homme profondément sensible, un homme dévoué, proche de ses camarades, de sa famille et de ses filles qu'il adorait. C'était un homme franc et de caractère.
On était très proche parce qu'on se voyait souvent, on discutait de tout et quand il défendait une cause, il le faisait avec ses tripes au point que les gens croyaient qu'il était colérique et agressif, or il me disait : «Je suis fait ainsi, c'est mon caractère».
Ainsi, s'il lui arrivait de hausser le ton ou de parler avec fougue, c'est parce qu'il était sincère et croyait en la cause ou l'idée qu'il défendait. D'ailleurs, même dans les réunions de notre parti, il s'emportait souvent en défendant son point de vue.
Maintenant, en tant que militant politique, il était perspicace et avait un flair politique très aigu. Il était d'une grande intelligence et avait un réflexe politique très développé.
Il a beaucoup œuvré pour l'unité et l'unification de la gauche ainsi que des forces progressistes et démocratiques. Je me rappelle que 48 heures avant son assassinat, il était, à ses yeux, impérieux de créer un front contre la violence politique.
Il avait prévu qu'une nouvelle page politique allait s'ouvrir, en Tunisie. Et il avait vu juste.
Sur le plan professionnel, en tant qu'avocat, je n'oublierai jamais ses plaidoiries, dans les affaires du bassin minier de Gafsa dans les années 2009 et 2010. Au Kef, en 2012, c'était encore mieux, je ne l'avais jamais vu plaider avec autant de ferveur, de sincérité et d'émotion.
Il pleurait en répétant à maintes reprises que «les familles des martyrs de la révolution se posent encore la question : qui a tué leurs fils ?» J'espère qu'un jour on pourra voir l'enregistrement de cette plaidoirie extraordinaire.
Qui a ordonné l'assassinat de Chokri Belaïd ?
Le jour de son assassinat, je ne sais pas si je peux parler de «privilège», mais j'étais le premier à avoir vu le corps du martyr criblé de balles. C'était horrible, il ne pouvait échapper à la mort. Les commissaires de police qui étaient présents lors de cette tragique et triste journée m'ont avoué que celui qui a exécuté ce crime était un professionnel. Ce que m'a d'ailleurs confirmé un officier très haut placé dans l'armée.
Certes, Chokri Belaïd n'est plus parmi nous, mais il est toujours dans nos cœurs et dans nos mémoires. Et c'est là le sentiment d'un grand nombre de citoyens et de militants tunisiens, arabes et autres qui ont découvert en lui un être charismatique, un grand orateur au grand cœur.
C'est une grosse perte pour notre parti, les Tunisiens en particulier et l'humanité en général. Chokri Belaïd avait préconisé que la Tunisie suivra le chemin de la liberté et du progrès, c'est pourquoi son nom restera gravé dans nos cœurs et nos esprits.
Maintenant que Gadhgadhi, le présumé assassin de Chokri Belaïd, a été tué, il n'est que l'exécutant du crime, ce que tous les Tunisiens veulent savoir : qui a pris la décision et donné l'ordre d'exécuter notre camarade et ami?
Celui qui a commandité cet assassinat, et nous en sommes convaincus, bénéficie de grandes complicités au sein de l'appareil sécuritaire, d'autant que l'arme du crime est une arme utilisée par les services de sécurité officiels et il s'est avéré, mardi dernier lors de l'attaque de Raoued-Plage, que Gadhgadhi utilisait une kalachnikov. L'arme du crime ne circule pas chez les terroristes et n'existe pas sur le marché et aujourd'hui, après ce qui s'est passé à Raoued, c'est plus que jamais confirmé.
Radhia Nasraoui (avocate et présidente de l'Association tunisienne de lutte contre la torture) : « C'était l'unificateur de la gauche »
Chokri Belaïd était un avocat militant, dynamique et philanthrope qui courait d'une chambre correctionnelle et criminelle à l'autre. C'était le défenseur des opposants, y compris les salafistes, avec lesquels il n'avait idéologiquement aucun point commun.
Son objectif n'était pas de s'enrichir mais de défendre les droits humains. C'était, également, le défenseur des pauvres. Après son assassinat, beaucoup de gens m'ont raconté comment il les avait défendus sans accepter d'honoraires, même si ses clients insistaient.
En tant que militant politique, Chokri Belaïd avait beaucoup mûri. A preuve il était l'initiateur de l'union de la gauche et a fortement contribué à la création du Front populaire. Il a même proposé l'union de la gauche dans un seul parti, car le Front populaire réunissait aussi les nationalistes arabes et d'autres courants progressistes. Il avait expliqué comment la gauche était restée divisée pendant longtemps et qu'il était temps qu'elle s'unisse dans un seul mouvement afin d'aborder, forte et unie, les prochaines élections et pouvoir obtenir plus de sièges au Parlement.
Il a toujours soutenu également la cause des femmes et contrairement à certains démocrates qui, dans la pratique, avaient une attitude opposée à leur discours, il était en harmonie avec ses idées et ses credo concernant la femme.
Aujourd'hui, son présumé assassin a été tué mais on aurait souhaité qu'il soit capturé et demeure en vie afin de donner son témoignage sur les tenants et aboutissants de ce crime lâche et horrible.
Je ne sais pas si un jour on saura la vérité, mais je ne désespère pas, la vérité sur les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi pourrait être révélée un de ces quatre matins.
J'ai l'impression, en tout cas, qu'on nous cache des choses afin que l'opinion publique ne sache pas qui est derrière ces assassinats politiques.
Nous avons perdu en Chokri Belaïd un être très humain, très généreux qui aimait autant sa femme et ses filles que son pays et son peuple. C'est vraiment une perte incommensurable.
Othman Haj Omar, S.G. du Mouvement Baâth : « Un homme de dialogue, un militant courageux et sincère »
Chokri Belaïd avait tout d'abord une grande qualité qui le distinguait en tant qu'homme et militant qui n'était autre que le courage et l'audace de ses idées. Il n'avait aucune crainte de ses adversaires politiques.
Il exprimait ses idées courageusement et sincèrement. Je l'ai rencontré à plusieurs reprises alors qu'il était secrétaire général de son parti «Al Watad» et que j'étais moi-même S.G. de mon parti. Une fois, on avait parlé de religion et il m'avait avoué en ces termes : «Je suis un croyant sincère». Cela malgré les accusations d'apostasie à son encontre.
Il avait une autre qualité essentielle : le parti pris pour le dialogue et le consensus. Car il pensait que vu le manque de traditions démocratiques et d'expériences dans ce domaine, les dirigeants des partis devaient avoir une grande capacité de dialogue et de compromis. Chokri Belaïd avait une vision originale du Front populaire. Il préconisait la pluralité des idées et des courants qui devaient être visibles afin de rassurer les bases de chaque mouvement entre nationalistes arabes, socialistes, démocrates, marxistes, etc.
Il refusait la fusion des idéologies et des identités au sein du Front populaire afin que les idées et les courants multiples et pluriels continuent à le nourrir et à l'enrichir et pour que chacun des partisans et des Tunisiens puisse s'y retrouver.
Humainement, il était très généreux. Je me rappelle une fois dans la localité d'El Omrane à Sidi Bouzid, nous avions visité un vieil homme malade dont le fils était en prison. La pièce était dénudée, tous les camarades étaient restés debout, mais Chokri s'était assis à même le sol et avait commencé à discuter avec le vieil homme comme s'il le connaissait depuis toujours. Ce jour-là, il nous avait donné une leçon de générosité et d'humilité.
Il n'était pas non plus ingrat : à son retour d'Irak où il avait étudié, il parlait de ce pays et de l'ex-président Saddam Hussein bien mieux que ne l'aurait fait n'importe quel membre du parti Baâth tunisien. Il était sincère à l'égard d'un pays qui l'avait accueilli et lui avait fourni l'opportunité de faire des études.
En somme, c'était un ami, un frère, et même une année après sa disparition en pensant à lui, je ne peux retenir mes larmes. C'est comme si j'avais perdu une partie de moi-même.
Je pense que le ciblage de Chokri Belaïd dépasse sa propre personne car il a touché aussi bien sa femme, ses filles et sa famille que le Front populaire, dans le but de l'affaiblir politiquement et de façonner autrement le paysage politique tunisien.
La Tunisie a perdu un homme rassembleur et fédérateur, un militant de taille qui aimait son pays et luttait contre toute forme de violence, notamment politique. J'ai perdu un ami auprès de qui j'étais si heureux et réjoui à chacune de nos rencontres.


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