C'est une guerre ouverte avec des terroristes armés jusqu'aux dents et désireux d'abattre l'Etat tunisien, ses institutions modernes, et de changer radicalement le mode de vie des Tunisiens Ne nous intoxiquons pas. Nous sommes désormais en guerre ouverte contre les terroristes. Une guerre cruelle et sans merci. Cela remonte à des mois déjà, bien que les responsables politiques s'efforcent d'éluder les vraies questions et de travestir les faits. Les attentats d'hier avant l'aube à Bulla Regia en sont témoins. Des groupes organisés ont pris l'initiative d'attirer les forces de l'ordre pour les assassiner froidement. Après avoir descendu de sang-froid des agents de l'ordre et un civil. Une embuscade en bonne et due forme, un guet-apens meurtrier. Le ministère de l'Intérieur a publié un communiqué hier matin. Toujours laconique. Encore une fois. Quelques faits saillants méritent d'être soulignés. Tout d'abord, le laxisme des autorités et des plus hauts responsables de l'Etat vis-à-vis du terrorisme et des terroristes est frappant. Le président de la République, le président de l'Assemblée constituante et le chef du gouvernement — via son ministre de l'Intérieur — semblent tétanisés. Ou sous influence. Sinon ligotés par quelques chaînes ou commandements tenus secrets et invisibles. On peine à voir quelque haut responsable tenir un discours décisif, qui sied à la spécificité du moment historique. Ils parlent peu. Et lorsqu'ils le font, ils se confinent dans l'à peu près, ou demeurent évasifs. Disons-le sans ambages. Les terroristes obéissent à un plan méthodique. Elémentaire dites-vous. Mais ils le font précisément à l'insu de tous les Tunisiens, dont les dirigeants faibles et timorés les ont bernés, intoxiqués, anesthésiés. A force de calculs partisans étriqués et électoralistes de mauvais aloi. Untel haut responsable reçoit à la Présidence de la République des groupuscules violents prônant la haine et la guerre sainte. Un autre dit qu'ils lui rappellent sa prime jeunesse. Tel autre minimise les faits. Un porte-parole du ministère de l'Intérieur, interrogé sur les terroristes s'entraînant dans les montagnes, avait allégué qu'il s'agissait de simples citoyens s'adonnant au sport ! Et puis on n'a cessé de nous rebattre les oreilles avec des pseudo-analyses disant que la Tunisie est un pays de transit d'armes, tout au plus. En somme, l'enfer c'est les autres. Jusqu'à ce qu'on découvre que nous sommes l'huile et le rouage de l'enfer, au fin fond des cercles concentriques de l'enfer. N'empêche. Les petits chefs politiques continuent dans leur jeu pervers avec le feu. C'est le cas de le dire. Absolument. Les terroristes progressent à la faveur de l'impunité, due en partie à la non-visibilité politique et sécuritaire. Ils assassinent Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi, tendent des embuscades aux forces de l'ordre, un peu partout. Les martyrs se chiffrent par dizaines. Ils investissent la montagne Chaâmbi, depuis le mois d'avril, et ils y sont toujours. La fausse parade Des responsables politiques timorés osent encore la fausse parade. Ils parlent de terrorisme résiduel ou virtuel. Alors qu'il s'agit de colonnes en marche et d'escadrons de la mort en progression. Les terroristes ne se contentent plus de la montagne. Ils descendent dans les villes. Ils prennent l'initiative des attentats, combats et embuscades. Des sources sécuritaires parlent de plus de 420 cellules terroristes dormantes dans le Grand-Tunis. Le ministère de l'Intérieur fait comme si de rien n'était. Et ne dément point la source sécuritaire. Les terroristes mènent une véritable guerre d'embuscade. Ils s'ingénient à attirer les forces de l'ordre pour les trucider froidement. Visiblement, les effets anesthésiants sont opérationnels. Et porteurs. Quelques agents de l'ordre ont bien été descendus par des snipers terroristes, sans nul doute bien informés, alors même qu'ils se trouvaient encore dans les voitures. Une source sécuritaire annonce que le ministère de l'Intérieur avait démis quelque 120 salafistes infiltrés dans ses rangs et qui donnaient des informations précises et régulières aux terroristes. Le porte-parole du ministère ne dément point, tout en minimisant considérablement le nombre des infiltrés. Les terroristes se promènent en niqab. Ils endossent aussi des uniformes semblables à ceux des agents de police et des soldats. Que les terroristes se griment en forces de sécurité intérieure est un secret de polichinelle. Les responsables ne veulent cependant pas l'admettre. Ou l'insinuent à mots voilés. Pourtant, le modus operandi adopté par les terroristes en Algérie dans la décennie sanglante des années 90 du XXe siècle semble bien se vérifier sous nos cieux. Responsables politiques, gouvernementaux et sécuritaires sont enclins à prendre des gants dès qu'il s'agit de terrorisme et de groupes terroristes. Le constat saute aux yeux des aveugles. Et puis il y a la justice, trop clémente avec des terroristes. Selon des informations concordantes, certains des auteurs des attentats terroristes d'hier avaient été relaxés par la justice il y a cinq mois. On a vu des terroristes relâchés commettre des attentats comme celui ayant coûté la vie au député du Front populaire Mohamed Brahmi. Le constat est on ne peut plus évident : les Tunisiens font face à une guerre terroriste ouverte et déclarée. Dans ce combat disproportionné, le pays mène la guerre sans chef d'envergure. Et le chef n'est pas forcément un homme, il peut bien être une idée fédératrice ou l'union sacrée. Nos hauts responsables semblent beaucoup plus soucieux de réélection que d'autre chose. «Une multitude autour des coteries, partis et intérêts étroits, très peu autour de la patrie» grince le Tunisien entre ses dents. C'est une guerre ouverte avec des terroristes armés jusqu'aux dents et désireux d'abattre l'Etat tunisien, ses institutions modernes, et de changer radicalement le mode de vie des Tunisiens. Lors de la deuxième guerre en Tchétchénie, une série d'attentats contre des immeubles d'habitation avaient frappé Moscou et d'autres villes de Russie. Vladimir Poutine avait été intraitable avec les terroristes : «Butez-les jusque dans les chiottes», commanda-t-il à ses troupes en septembre 1999. C'est une pareille attitude intransigeante qu'il nous faut. Et non point des louvoiements malintentionnés sur fond de tiédeur calculée.