On assiste à un ralentissement de l'activité de production et de prestation, ce qui contribue à la destruction d'emplois et génère une conjoncture difficile sur le marché. « Drouce », projet promu dans le cadre de l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'Homme de l'Union européenne, conçu et mis en œuvre conjointement avec l'Ugtt et l'Institut méditerranéen, portant sur l'emploi des jeunes en Tunisie, a été présenté lors d'une journée d'étude tenue hier, en présence d'une pléiade d'experts en la matière. L'objectif étant de définir les grandes orientations en vue de contribuer à arrêter une véritable politique de promotion de l'emploi des jeunes à travers une étude de la situation et de l'évolution du marché de l'emploi, une analyse des principaux dysfonctionnements et de leurs origines conjoncturelles et structurelles, tout en proposant une série de recommandations pouvant servir de pistes à d'éventuelles réformes du fonctionnement du marché de l'emploi. L'étude a fait ressortir d'importants constats sur la situation générale du secteur de l'emploi en Tunisie entre 2005 et 2010, ayant permis la stabilisation du taux de chômage moyennant 13%. De même, la croissance a été maintenue à un rythme annuel moyen légèrement inférieur à 5%. Le taux de dépendance démographique favorable est en diminution constante, passant de 0,49 en 2005 à 0,45. Durant la même période, on a enregistré la création de 71.000 postes d'emploi. La situation générale entre 2005 et 2010 a enregistré aussi une faible couverture de la demande additionnelle, avec 500 mille chômeurs en 2010, 80 mille nouveaux entrants sur le marché de l'emploi contre près de 75.000 créations d'emplois. L'étude a montré également une forte disparité du taux de chômage entre le littoral et l'intérieur avec des taux supérieurs à la moyenne, et ce, pour 14,9% au Centre-Ouest, 23,4% au Sud-Ouest et 18,8% au Nord-Ouest. La situation générale était alarmante au cours de cette période, où le taux de chômage auprès des jeunes, notamment des diplômés du supérieur, est passé de 37,9% en 2005 à 45,9% en 2010. Sévère est la situation aussi auprès des femmes dont le taux d'activité est particulièrement bas, avec 24,2% en 2004 et 24,8% en 2010, soit 3⁄4 des femmes (15 ans et plus) sont inactives. Les indicateurs, tels que mentionnés dans l'étude, mentionnent une évolution inquiétante du chômage des diplômés du supérieur, moyennant 139.000 en mai 2010 contre 55.800 en mai 2005. Ainsi, « le poids des diplômés du supérieur dans la population au chômage a dépassé celui dans la population active ». D'après l'Institut national des statistiques, les diplômés du supérieur détiennent 58% des emplois dans le secteur des banques et assurances, 43% dans les secteurs de l'éducation, la santé et l'administration et 25,6% dans les secteurs des travaux immobiliers, sachant que 45% de ces diplômés du supérieur sont issus des filières courtes. « Malgré une meilleure employabilité, le taux de chômage est plus élevé pour les diplômés des filières courtes puisque le gisement naturel d'emplois pour ces filières se trouve dans le secteur privé ». Situation générale sévère Les premières conclusions de l'étude montrent que près de 70% de la population âgée entre 15 et 29 ans sont au chômage. Le nombre d'actifs diplômés de la formation professionnelle est en baisse de 3,5% par an (CAP, BTP et BTS), le taux de chômage des jeunes est supérieur au double de la moyenne nationale. Il est à noter que la montée du chômage des diplômés du supérieur est liée essentiellement à deux facteurs : un fort chômage déséquilibré (faible niveau de création d'emplois) et un chômage d'inadéquation (inadéquation qualitative de l'offre et de la demande de travail). C'est dire que les répercussions de la révolution du 14 janvier 2011 auraient dû permettre à la Tunisie d'ouvrir la voie à une nouvelle ère économique qui favoriserait l'instauration d'un climat de confiance propice à une dynamisation des investissements et de meilleures perspectives pour l'emploi. Néanmoins, suite aux dérives sécuritaires, « on assiste à un ralentissement de l'activité de production et de prestation de services avec les conséquences induites sur les autres secteurs, ce qui contribue à la destruction d'emplois et génère une conjoncture difficile pour le marché. L'on constate également un fléchissement alarmant de l'offre d'emplois, alors que la demande est en constante progression et que les placements sont en majorité réalisés dans la fonction publique ». D'un autre côté, le programme « Amal » qui, malgré le fait d'avoir contribué à atténuer la forte tension sociale, a été à l'origine d'un effet d'aubaine remarquable. Le déséquilibre, tant qualitatif que quantitatif, entre l'offre et la demande nous amène à évoquer quatre questions fondamentales, à savoir les programmes actifs du marché du travail, l'intermédiation, le système de formation et les structures économiques. L'étude a dénombré, par ailleurs, les pistes de réformes dont la restructuration de l'Agence nationale de l'emploi et du travail indépendant, la mise en place d'un plan d'urgence pour les emplois existants et menacés et des entreprises en difficulté. Ce plan « doit être conçu de telle sorte qu'il puisse s'articuler avec les politiques actives de l'emploi existantes à court terme et doit constituer à long terme un cadre général de l'ensemble des politiques publiques d'aide à l'emploi ». Les pistes de réformes permettent de faire de la migration un levier de la lutte contre le chômage, de favoriser l'exportation de services, promouvoir et restructurer le système éducatif et de la formation professionnelle et développer une stratégie nationale de micro-investissement. Repères 1965 : naissance à Tunis d'Elyès Jouini 1984 : intègre l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm (Paris) 1987 : Elyès Jouini est major à l'agrégation de mathématiques 1989 : crée l'Association tunisienne des grandes écoles (Atuge) 2004 : est nommé vice-président de l'Université Paris-Dauphine chargé de la recherche. 2005 : obtient le Prix du meilleur jeune économiste de France 2011 : est nommé ministre des Réformes économiques et sociales au sein du second gouvernement de transition. Elyès Jouini quitte le gouvernement intérimaire le 1er mars 2011 à la suite de la démission de Mohamed Ghannouchi et reprend ses activités d'enseignant universitaire 2014 : dirige l'ouvrage collectif élaboré par l'association Idées, Tunisie L'espoir : Mode d'emploi pour une reprise (Cérès Editions)