Le Syndicat des magistrats insiste sur la suprématie de la loi et l'équité devant la justice «Nous n'allons pas nous taire devant ce qui s'est passé pour que cela ne se répète plus. C'est une première gravissime que des avocats agressent un juge. C'est un mauvais coup pour la profession d'avocat avant de l'être pour la magistrature», nous a déclaré hier Raoudha Laâbidi, secrétaire générale du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), sur un ton étonné et vif. Elle a également affirmé que les magistrats observeront demain une grève générale dans tous les tribunaux du pays. Une grève en guise de refus de l'agression perpétrée par des avocats à l'encontre d'un juge d'instruction du 5e bureau du Tribunal de première instance de Tunis. Elle a ajouté : «On pourrait se référer au Code pénal pour traiter les faits et les agressions commises par les avocats dont la diffamation, l'agression et la tentative de séquestration d'un juge alors qu'il était dans une voiture de police qui le protégeait. Il y a eu des crimes. J'ai vu des ligues de protection des avocats. Si on va permettre de tels comportements et dépassements, chaque métier aura ses ligues de protection propres à lui. Ce n'est pas comme ça que nous allons instaurer l'Etat de droit. Il n'y a plus de garantie pour les droits des citoyens si ceux qui devraient les défendre se permettent de les enfreindre!». Aucune réaction des instances ! Laâbidi a exprimé son étonnement de n'avoir eu aucune réaction de la part des instances représentant les avocats qui étaient toutes présentes lors de l'incident vendredi au Palais de Justice. Dans un communiqué publié par le SMT, ce dernier a dénoncé l'atteinte au prestige du tribunal et aux magistrats. «Empêcher un juge d'accéder à son bureau de cette manière et le sommer de libérer une avocate, alors qu'il a fait son travail dans les règles de l'art, n'est qu'une tentative de se montrer au-dessus de la loi. Ce que nous refusons vivement. Nous avons un collègue juge qui a passé deux ans en prison et nous n'avons pas protesté pour respecter la suprématie de la loi. Je me demande où nous allons avec de telles pratiques», a enchaîné Raoudha Laâbidi. Par ailleurs, elle a relaté les faits et la cause de cette agression, affirmant que son collègue avait respecté les procédures en informant à deux reprises, non pas en une seule fois, la section régionale de Tunis de l'Ordre des avocats quant à sa décision d'émettre un mandat de dépôt à l'encontre de l'avocate en question (Fatma Mejri). «Les procédures étaient en règle et les instances représentant les avocats le savent très bien», a-t-elle affirmé. Et d'ajouter : «Nous allons donner plus de détails et situer les responsabilités dans cette agression, lors d'une conférence de presse le jour même de la grève. Ces pratiques doivent cesser une fois pour toutes. Ce qui est grave et inacceptable, c'est qu'elles émanent de gens qui devraient défendre les droits et garantir le respect de la loi ! ». L'Association des magistrats tunisiens a appelé, de son côté, les juges à observer un mouvement de protestation en retardant les audiences de deux heures durant trois jours, les 24, 25 et 26 février. L'Otim essaie d'attenuer les tensions Par ailleurs, dans une tentative d'atténuer les tensions, l'Observatoire tunisien de l'indépendance de la magistrature (Otim) a publié hier un communiqué dans lequel il exhorte les magistrats et les avocats à réfléchir ensemble pour traiter leurs différends à la racine. Tout en dénonçant les dépassements «visant à attiser le feu des différends entre magistrats et avocats», l'Otim regrette certains comportements contraires à l'éthique et qui portent préjudice à l'appareil judiciaire et à sa réputation». L'Observatoire a fait remarquer que l'échange d'accusations entre les deux parties est loin d'apaiser les tensions. Des tensions qui existaient sous le régime de Ben Ali et qui refont surface à l'heure où l'indépendance de la justice est réclamée par tous les acteurs, notamment de la société civile.