Trop de questions en suspens sur la récente tournée du chef du gouvernement dans cinq pays du Golfe : Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite, Qatar, Koweït et Bahreïn. Suspicions et doutes au point que les plus alarmistes parmi les observateurs ont vite fait de qualifier cette visite d'échec. En l'absence de déclarations tonitruantes annonçant des décisions immédiates allant dans le sens d'un soutien économique et financier de la Tunisie dans cette phase difficile économiquement mais rassurante politiquement, il était, en effet, difficile pour nombre d'avertis de voir le bout du tunnel de cette visite-marathon et d'en dresser un bilan concret. Alors pourquoi cette visite? «Elle avait deux objectifs majeurs qui ont été atteints», assure Mongi Hamdi, ministre des Affaires étrangères, lors d'un point de presse tenu, hier, au siège de son département. Le premier objectif, sans doute le plus urgent, peut être décliné sous différents angles : corriger, réchauffer, améliorer, renforcer ou encore consolider les relations extérieures de la Tunisie (diplomatiques, économiques et politiques) avec ces cinq pays du Golfe et remettre les pendules à l'heure de la normalisation des échanges et la coopération fructueuse. « Les relations ainsi que le niveau des échanges avec ces pays sont en-deçà des espérances, nous œuvrons donc à rassurer pour améliorer ces relations et à convaincre les investisseurs à venir en Tunisie ». Le second objectif vise, à juste titre, la diffusion d'une image nouvelle de la Tunisie, une image positive d'un pays qui a réussi à sortir de l'impasse en adoptant la Constitution, en exerçant l'alternance et la passation pacifique du pouvoir, dans le cas d'espèce des islamistes à un gouvernement de compétences nationales, et en mettant en place l'Isie pour préparer les prochaines échéances électorales démocratiques. «Nos partenaires ont besoin de savoir où en est la Tunisie dans sa transition démocratique avant de décider d'y investir C'est ce qui a été fait», ajoute pour sa part Nidhal Ouerfelli, porte-parole du gouvernement. Des commissions mixtes définiront les projets et les aides financières La tournée du chef du gouvernement, (15-19 mars 2014), accompagné de deux ministres et d'une délégation d'hommes d'affaires, a été marquée par «un accueil chaleureux et de haut niveau dans les cinq pays», a tenu à souligner d'emblée le ministre des Affaires étrangères, pour dissiper toute interprétation à ce niveau. Par ailleurs, de nombreuses rencontres officielles avec des hauts responsables et des hommes d'affaires des cinq pays ont été au programme de cette visite. Le résultat, s'il n'est pas quantifiable, est prometteur : «Tous ces pays ont exprimé leur disposition à aider la Tunisie et à la soutenir sur le triple plan économique, sécuritaire et politique, pour poursuivre son processus démocratique», précise le ministre. La Tunisie s'engage de son côté à alléger le système bureaucratique et à faciliter l'aboutissement des projets déjà existants, ainsi que les nouveaux. Et pour cause : nombre de grands projets, certains fort onéreux, sont à l'ordre du jour tels que la Cité économique d'Enfidha, l'aménagement de ports, la Cité des sports (Groupe Boukhater) et d'autres. Il est clair que les responsables politiques tunisiens ont choisi de jouer la carte de la discrétion et de la prudence en attendant que ces projets et d'autres soient définis et identifiés par des experts des deux parties. «Il a été ainsi décidé la mise en place de commissions mixtes qui auront la tâche de cibler les projets à réaliser sous forme de partenariat ou d'investissements directs étrangers», explique le ministre. Selon le porte-parole du gouvernement, «Mehdi Jomâa n'a pas été quémander de l'aide, mais exposer une nouvelle image de la Tunisie qui pourrait avoir des attraits en termes d'investissements étrangers». La tâche du chef du gouvernement n'a, certes, pas été facile, vu le climat tendu et de rupture diplomatique qui pèse actuellement sur les relations entre les deux fronts du Golfe : Arabie Saoudite, EAU et Bahreïn d'un côté et Qatar de l'autre. A cela, il faut ajouter les propos du chef du gouvernement tenus dans une interview accordée à un journal saoudien, «Al Riyadh», qui n'ont pas manqué de susciter la polémique. Mehdi Jomâa avait qualifié de «positive » la liste saoudienne des organisations terroristes, indiquant que «la Tunisie a la même position...», et affirmant : «Nous sommes en harmonie avec le Royaume dans cette lecture». Et Nidhal Ouerfelli de relativiser : «Le chef du gouvernement n'a désigné aucune partie d'organisation terroriste, mais a indiqué que tout organisation qui n'œuvre pas dans le cadre de la loi ne sera pas reconnue légalement».