Les verdicts contreviennent aux normes internationales de protection des droits humains Le président de la République provisoire, Mohamed Moncef Marzouki, s'est entretenu, hier, au Palais de Carthage, avec le ministre de la Défense nationale, Ghazi Jeribi, à la suite des verdicts prononcés par la Cour d'appel militaire dans l'affaire des martyrs de la révolution (12 avril 2014) et des réactions qu'ils ont suscitées. Tout en marquant son respect de l'indépendance de la justice consacrée par la Constitution, souligne un communiqué de presse de la présidence de la République, Marzouki a affirmé que l'opinion publique n'était pas préparée à de tels verdicts qui ne répondent pas aux attentes des familles des martyrs et blessés et ne leur rendent pas justice. Le président de la République a recommandé de porter en cassation ces jugements et de statuer sur cette affaire dans des délais raisonnables. De son côté, Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC a souligné que, les tentatives de faire douter du sort de la transition démocratique et de l'avenir de la révolution tunisienne ne sauraient être passées sous silence», en recevant, hier, au Palais du Bardo, les familles des martyrs et blessés de la révolution. «Ces tentatives seront mises en échec dans le respect de l'Etat de droit et des institutions», a assuré le président de l'ANC. «Les députés se sont dit sous le choc et ont exprimé leur mécontentement des verdicts prononcés par le Tribunal militaire qu'ils ont jugés inéquitables au regard des sacrifices consentis et des abus caractérisés subis par les citoyens lors des évènements de la révolution», a relevé Ben Jaâfar. «L'ANC suit de près l'affaire des martyrs et des blessés de la révolution», a-t-il encore affirmé. De son côté, Me Lamia Farhani, présidente de l'Association Awfia (Fidèles aux martyrs) et sœur du martyr Anis Farhani, a critiqué certaines déclarations faites après les verdicts prononcés par le Tribunal militaire dans l'affaire des martyrs et blessés de la révolution, citant certains syndicats sécuritaires dont les propos ont constitué, selon elle, une provocation pour les familles des martyrs ». Elle a appelé à la nécessité de mettre en place une commission au sein de l'ANC chargée d'examiner l'ensemble des dossiers et de dévoiler l'identité de ceux qui se cachent derrière le prononcé de ces jugements qu'elle qualifie d'injustes. Elle a souligné la détermination des familles des martyrs à poursuivre leur mouvement de protestation devant l'ANC jusqu'à l'obtention de «mesures révolutionnaires » de la part des députés du peuple. Pour leur part, les familles des martyrs et blessés de la révolution ont été unanimes à qualifier les peines prononcées par le Tribunal militaire d'«humiliantes et de choquantes», affirmant leur attachement au droit de leurs enfants et à la reddition des comptes. D'autre part, les proches des martyrs et blessés de la révolution à la Hamma ( Gabès) ont observé lundi un mouvement de protestation d'une heure, en réaction aux verdicts rendus samedi par la justice militaire. Soutenus par plusieurs composantes de la société civile, les protestataires se sont rassemblés devant le Tribunal cantonal de la Hamma. Ils ont appelé à un nouveau procès et à la création d'un tribunal spécialisé dans les affaires des martyrs et blessés de la révolution dans les différentes régions. Certains d'entre eux ont exprimé la crainte de voir le même scénario se reproduire avec les meurtriers des trois victimes de la Hamma, tombées en martyrs le 13 janvier 2011 devant le poste de sécurité de la délégation. En contradiction avec les normes internationales La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (Fidh) a regretté le jugement en appel de responsables de la répression de «la révolte du 14 janvier qui a conduit à des allègements de peines et des libérations d'anciens caciques du régime de Ben Ali ». Pour la Fidh, ce verdict, prononcé par une juridiction militaire et non civile, contrevient aux normes internationales de protection des droits humains dans la mesure où il n'a pas respecté la chaîne pénale des responsabilités ni le droit à un procès équitable. Le président de la Fidh, Karim Lahidji, estime dans un communiqué que ces premières procédures hautement symboliquesse devaient d'être exemplaires. Or non seulement elles ont été confiées à la justice militaire au mépris des standards internationaux mais, en outre, ce verdict semble révéler que la Cour d'appel militaire n'a pas su se démarquer de l'extrême politisation du dossier. Et d'ajouter : «Cette décision est particulièrement préoccupante alors que plusieurs autres procès portant sur les répressions intervenues dans d'autres villes pendant le soulèvement sont encore pendants devant cette même Cour d'appel militaire». La Fidh appelle les magistrats composant la Cour d'appel militaire à faire preuve de diligence dans la tenue des audiences à venir, afin d'assurer que ces procès soient menés dans un délai raisonnable, à la fois dans le respect des droits de la défense et du droit des victimes à obtenir réparation de leurs préjudices. Elle appelle également la justice militaire à faire une application stricte et fidèle des principes de droit international qui s'imposent à la Tunisie, notamment celui de la responsabilité du supérieur hiérarchique pour les crimes commis sous son commandement.