La colère populaire, liée au projet du «Gaz du Sud», a atteint son paroxysme avec la grève générale des 12 et 13 avril, à Tataouine, décrétée par les organisateurs du sit-in «El massir» Il y a de la tension dans le sud du pays et les raisons sont diverses et multiples. Les derniers événements ont fait craindre le pire et il faut espérer que le passage de Ras Jedir ne sera pas de nouveau fermé et que le sit-in «El massir» débouchera sur une ou des solutions consensuelles. Le sujet mérite tout de même d'être abordé de plus près pour lever le voile sur une interrogation qui court autant dans la rue que sur le web. Pourquoi un projet industriel d'envergure provoque-t-il des mouvements de protestation au lieu de susciter l'espoir au sein de la population et plus particulièrement chez les chômeurs et demandeurs d'emploi d'une région défavorisée ? Et pourquoi cette colère maintenant, sachant que le projet remonte à 2009 et que les gouvernements de la Troïka ont eu tout le temps et la latitude de mettre ce projet sur les rails de la concrétisation ? Incompréhension Dans la littérature médiatique (écrite et audiovisuelle), le panel des argumentations et des interprétations est aussi large que subjectif. Rien de concret, de définitif, aucune thèse bien fondée, bien analysée, claire, transparente et convaincante n'est venue étancher la soif d'informations sur ce dossier qui est loin d'être clos. A ce jour, aucun complément d'information, aucune précision, aucun éclaircissement, à part l'unique déclaration de la présidence du gouvernement, n'est accessible du côté du ministère de l'Industrie. Pourtant, une communication officielle claire et étudiée peut aider toutes les parties, y compris les protestataires, à mieux comprendre la situation et sortir de l'impasse avec le minimum de dégâts. En attendant, les bruits courent sur ce projet du «Gaz du Sud» et les pourvoyeurs des mauvaises interprétations s'en donnent à cœur joie, surfant sur les revendications légitimes —développement et emploi— des habitants de Tataouine et ses environs et leurs mouvements de protestation. Ainsi, dans cette littérature médiatique, il est question de corruption, de malversations, de marginalisation, de retour aux anciennes pratiques en termes de clientélisme et de favoritisme dans l'octroi des marchés publics, etc. Tout ce qu'il faut pour monter la tension. Les déclarations par-ci par- là vont bon train, accentuant la colère des habitants, inquiets pour leur avenir et celui de leur région et semant la zizanie à tous les niveaux. La colère populaire, liée au projet du «Gaz du Sud», a atteint son paroxysme avec la grève générale des 12 et 13 avril, à Tataouine, décrétée par les organisateurs du sit-in «El massir». Force est de constater que la communication a été le plus grand absent dans ce nouvel épisode de tension sociale. Hormis les images furtives couvrant ou plutôt survolant l'événement, rien n'explique les véritables raisons —les tenants et les aboutissants— d'un tel soulèvement et surtout de sa principale revendication, celle du transfert du projet du «Gaz du Sud» de Gabès à Tataouine. L'absence de communication, officielle, argumentée, scientifique, et l'inexpérience dans ce domaine, responsables de toutes les incompréhensions (vérifications empiriques), laissent beaucoup d'interrogations en suspens et engendrent, comme c'est le cas depuis plus de trois ans, l'intolérance, voire la violence. Démocratie locale, mais... Le gouvernement actuel de Mehdi Jomâa, qui joue depuis le premier jour la carte de l'indépendance politique et du pragmatisme, doit, au plus vite, y remédier en associant toutes les parties, y compris les habitants de Tataouine, dans un débat franc et sincère, afin d'éclaircir les points sombres et barrer la route aux semeurs de troubles. Car s'il est légitime que les habitants d'une région défavorisée revendiquent leur droit au développement et à la vie digne, après des décennies de marginalisation, peut-on accepter pour autant que ces revendications deviennent le seul critère à adopter pour décider de l'opportunité ou non d'un projet de développement ou du lieu stratégique qui lui convient. L'avis des habitants est nécessaire et peut être déterminant dans une démocratie locale, mais il n'est pas le seul. La gouvernance participative, un des objectifs des Tunisiens après la révolution, requiert l'implication de tous les intervenants dans les discussions et dans la prise de décision et se base sur la transparence et l'échange d'informations. Or, l'absence de communication officielle franche et transparente renforce le phénomène de la rumeur et de l'intox ainsi que la position des parties qui accusent le gouvernement de Mehdi Jomâa de fébrilité et de fragilité, voire de peur face à la colère populaire. La Tunisie post-révolution en phase de transition démocratique cherche encore sa voie vers la démocratie locale, le chemin est peut-être encore long mais il est salutaire de trouver ensemble et au plus vite les mécanismes qui permettent aux citoyens de participer à toutes les décisions qui concernent l'intérêt national sans tomber pour autant dans le piège du régionalisme, cette arme à double tranchant que certaines parties malintentionnées tentent de brandir au risque de déstabiliser le pays. Le gaz du sud ou le phosphate du bassin minier sont des richesses naturelles qui appartiennent à tous les Tunisiens tout comme les eaux du Nord. Ces richesses doivent impérativement bénéficier à toutes les régions et si, par le passé, des abus ou des erreurs ont été commis, il est temps de les réparer avec plus de justice, voire de discrimination positive si nécessaire. L'important est d'éviter à la Tunisie de refaire les erreurs du passé et de donner aux Tunisiens l'occasion de décider de leur avenir dans un climat de justice sociale et de solidarité, loin des tiraillements politiques. Entrée en exploitation en 2016 Une vague de protestations a été déclenchée à Tataouine (10 avril courant) par des organisations de la société civile à la suite de la décision du Conseil ministériel du 5 mars 2014 d'installer deux unités de gaz naturel respectivement à Gabès et à Tataouine, ainsi qu'un gazoduc devant relier Kamou à Tataouine, dans le cadre du projet du «Gaz du Sud». Les protestataires qui avaient décidé une grève générale de deux jours (12 et 13 avril 2014) ont contesté la décision du gouvernement de transférer le gaz de Tataouine, à Gabès. Dans le cadre du projet, une autre unité de gaz naturel d'une capacité de 600 m3 sera, également, mise en place à Tataouine, ainsi qu'une unité de remplissage de bouteilles de gaz, laquelle créera entre 80 et 100 emplois permanents. Selon le gouverneur de Tataouine, des sociétés pétrolières, dont l'Italien ENI et l'Autrichien OMV, entameront, début avril, la réalisation du projet du «Gaz du Sud», en partenariat avec l'Entreprise Tunisienne d'Activités Pétrolières (Etap). Les travaux s'étaleront sur une période de 30 mois et l'entrée en exploitation du projet est prévue en février 2016. La concrétisation de ce projet devrait permettre l'approvisionnement de toutes les régions du pays en gaz naturel. A.Z.