Dans une région que les hommes ont souvent été contraints de quitter pour trouver un emploi, devenir gérant d'une maison d'hôtes représente une alternative et un espoir d'un avenir meilleur. Dans sa maison traditionnelle, située à Ksar Hallouf, Lamia Brini accueille avec le sourire les visiteurs d'une journée. Le lieu est entouré d'autres maisonnettes. Des enfants jouent dans les sentiers ensablés, escaladent les murets séparant les habitations. Plus loin, entre deux palmiers, un âne broute l'herbe fraîche dans un jardin. Une femme en habit traditionnel cueille des herbes et souhaite la bienvenue aux étrangers. «Ici, on aime recevoir les visiteurs, discuter avec eux et leur offrir une tasse de thé», affirme Lamia. «Je pense que la création de ces maisons d'hôtes va faire du bien à la région», estime la jeune femme. Du haut de ses 24 ans, Lamia gère depuis six mois une maison d'hôtes composée de deux chambres et un salon, sobrement décorés. Avant d'être entrepreneuse, Lamia était sans emploi. Ayoub, 23 ans, s'occupe, lui, de la maison d'hôtes Dar Hayet avec sa famille. N'ayant pas trouvé de travail, il aimerait se concentrer sur cette activité. La maison est creusée dans la montagne. Deux chambres troglodytes la composent. Elles ouvrent toutes les deux sur une terrasse située en hauteur, d'où on peut contempler les champs de figuiers et autres arbres fruitiers. La famille possède une oliveraie de 25 hectares et produisait de l'huile d'olive dans deux huileries locales, l'une souterraine et l'autre, moderne. Mais les trois années successives de sécheresse ont détruit pratiquement toutes les plantations. «J'ai dû vendre aussi tout le bétail», raconte Ali Zammouri, le père de famille. «C'était très dur. Il n'y a aucun projet, aucune activité génératrice de revenus. Les jeunes sont au chômage, tous sont partis ailleurs. Le village est vidé de ses habitants. A Zammour, il ne reste plus que les vieux», témoigne Ali. Pour maintenir les habitants dans la région, il faudrait, selon lui, creuser plus de puits. «Sans eau, nous ne pouvons rien faire». La contrainte de l'eau Le manque d'eau est une préoccupation majeure pour les habitants de Béni Khédache. Ce problème est géré à différents niveaux par les promoteurs de maisons d'hôtes. Chez Houda Brini, propriétaire de Dar Iheb à Ksar Hallouf, un effort particulier a été fourni pour faire revivre le jardin familial. L'ADD (Association de développement durable de Médenine) a aidé la famille à aménager un système d'irrigation au goutte à goutte, économe en eau, et à augmenter le débit du puits grâce à un curage. Le lopin de terre est planté d'oliviers, de figuiers et d'amandiers. On y cultive également des pommes de terre, oignons, poivrons et tomates, sans utiliser de produits chimiques. «Depuis qu'on a réalisé les travaux, tous les voisins viennent s'approvisionner chez nous», assure la maman de 30 ans. La famille possède également des chèvres et produit du fromage. A quelques pas de la maison de Houda, se trouve l'oasis de Dar Sana. On y découvre le système de plantations à étages, avec ses palmiers, ses arbres fruitiers et ses plantes basses (maraîchage ou fourrage). Là aussi, le milieu a été réhabilité par l'association, moyennant un renouvellement du système d'irrigation et de puisage. A Zammour, Rachid Jaafar a installé un méjen dans son gîte de groupe, Dar Yasmine, pour collecter les eaux pluviales. Malgré toutes les contraintes liées à la sécheresse, Rachid est confiant quant à l'avenir de la région : «Il y a beaucoup de potentiel à développer. La Tunisie est une fleur, mais on ne s'en rend pas compte». Un produit méconnu Rachid n'a pas encore d'agrément, mais son activité touristique est autorisée par le ministère de tutelle. Il existe une législation relative aux chambres d'hôtes et gîtes. Les hôtes doivent être présents sur les lieux, cohabiter avec les visiteurs, et respecter certaines règles concernant l'hygiène, l'accueil et l'animation. Gérer une maison d'hôtes ne se résume pas à offrir le toit. Dans ce type de tourisme, c'est l'esprit de partage qui prévaut, le partage d'une façon de vivre, de l'amour d'une région que ses habitants essayent tant bien que mal de protéger et de valoriser. Bien qu'elles soient situées dans un environnement insolite, les maisons d'hôtes sont encore peu fréquentées. A Ksar Jouamaâ, où des ghorfas (cellules voûtées) ont été aménagées en chambres, les visiteurs se font rares. «En 2013, on a hébergé 25 groupes. Cette année, il n'y a pas eu de réservation», affirme Béchir Hlaouet, gérant du lieu depuis trois ans. «Il faut que l'Etat nous aide. On manque de ressources pour payer les employés», dit-il. Selon Béchir Zamouri, président de la Fédération tunisienne des agences de voyages et de tourisme du Sud-Est, 90% des visiteurs étrangers préfèrent le tourisme balnéaire au tourisme «authentique». Pour inverser cette tendance, les partenaires français et tunisiens du projet de développement du «tourisme authentique à Béni Khédache» mènent des opérations de communication. Dans ce contexte, un site sera bientôt mis en ligne et rendra possibles les réservations par Internet.