Comment l'association a-t-elle intégré le projet de tourisme authentique à Béni Khédache ? En 1995, l'Institut des régions arides de Médenine (IRA) et l'Institut agronomique méditerranéen de Montpellier (Iamm) ont signé une convention dans le cadre de la coopération décentralisée entre le département de l'Hérault et le gouvernorat de Médenine. Un projet de recherche sur le développement local en milieu rural a été lancé, et la zone de Béni Khédache a été choisie comme zone d'expérimentation, en concertation avec le gouvernorat de Médenine. L'ADD a été impliquée dans le projet en tant que représentante de la société civile. (...) Le gouvernorat l'avait désignée pour être le vis-à-vis tunisien du partenaire français. C'est comme ça que ça a commencé. Comment le projet initial a-t-il évolué ? Il y a eu une phase expérimentale, durant laquelle nous avons mené un projet intitulé «Ksour et Jessour de Béni Khédache», innovation rurale en zone difficile (Irzod). Nous nous sommes concentrés sur le tourisme qu'on appelle de montagne, rural ou écologique. Trois maisons d'hôtes, une à Béni Khédache et deux autres à Zemmour, ont été bâties dans le cadre de cette expérience. Ça a été une première dans le pays. La loi portant sur les maisons d'hôtes a été créée suite à ce premier projet de l'ADD. Nous avons décidé par la suite de tester le produit. Un groupe de Montpellier, un historien et un géographe, ont été invités pour faire le test et présenter des recommandations. L'expérience a été encourageante et nous a poussés à la poursuivre. Le cadre du projet est toujours le même, et le financement provient du ministère des Affaires étrangères français. L'opération a plu à la population locale, nous avons eu plusieurs demandes de participation. Comment choisissez-vous les promoteurs des maisons d'hôtes? Etant originaire de la région, je sais que les femmes à Médenine font des études mais, une fois leur diplôme en poche, elles sont contraintes de rester à la maison. Les garçons, eux, n'ont pas de problème pour aller travailler ailleurs, en Tunisie ou à l'étranger. La société est encore très conservatrice. Cette situation est déprimante pour beaucoup de femmes. C'est pour cette raison qu'elles ont été privilégiées dans ce projet. Aïcha était déprimée et ne faisait rien de ses journées. Après avoir créé sa maison d'hôtes, elle s'est mariée en moins d'un an, à l'âge de 45 ans. Sana s'est mariée, elle aussi, un an après avoir lancé son projet et Hayet s'est mariée alors qu'elle n'avait pas fini de construire sa maison. Le père de Lamia est très dur. Elle n'osait pas accueillir les gens au début, mais aujourd'hui, elle est moins réservée. Quelles sont les autres activités de l'association? L'association est membre d'un réseau européen, appelé «Libérons la diversité». Nous sommes la première association a avoir développé la problématique des OGM en Tunisie. Nous avons organisé une rencontre sur ce thème à Djerba en 2002, et réalisé une enquête nationale sur les semences locales de céréales et de légumineuses. Ensuite, nous avons préparé un atelier international en 2006 sur la conservation des semences locales, qui est la base de la souveraineté alimentaire. (...) Après la révolution, nous avons signé une convention avec la banque nationale des gènes, et avons commencé à travailler il y a deux ans sur un programme de conservation des semences. Les semences collectées par l'association vont être analysées en laboratoire. Nous allons poursuivre notre travail et nous concentrer sur le blé et l'orge. Nous savons par nos partenaires français que Monsanto travaille actuellement sur la modification génétique du blé.