«Mille Peaux», création chorégraphique de Cyrine Douss, était présentée, avec le soutien de l'Institut français de Tunisie, dans le cadre de la 5e édition des Journées de la danse contemporaine 2014 du festival «Danser à Tunis à l'Espace culturel Mad'Art». «Entre deux et mille, la peau mue, l'enveloppe se transforme. Le corps, lui, reste et dure comme une parole qui persiste. Ses mots protestent, dénoncent et revendiquent une réalité multiple dans laquelle chacun cherche ses vérités». C'est l'idée que véhicule «Mille peaux», une production de la compagnie ML danse, de la chorégraphe et danseuse franco-tunisienne Cyrine Douss, qui a été présentée à l'espace culturel Mad-Art en fin de semaine dernière. Fond noir, musique noire. Pourtant, c'est vers la lumière et la connaissance de soi que mènent les pas de ce corps qui essaie de s'échapper de sa gangue de «papiers» — une sorte de fantasmagorie chorégraphique réussie — qui l'enferme et limite ses mouvements et sa liberté. Puis, comme une chrysalide qui surgit de son cocon, Cyrine Douss se détache avec habileté de son lourd costume et prend son envol sur scène, tel un papillon à la recherche de la lumière et de la vie. Une sorte de voyage dans le temps, et l'âme qui commence par vous engourdir puis, lentement, vous mène jusqu'à une exaltation de vie qui ressemble à une transe. L'enjeu est complexe, osé, et pourtant tout naturel. Ici, ce n'est pas l'esprit qui va éclairer et diriger le corps, mais ce dernier qui, par le mouvement, la répétition, le test des limites du corps réceptacle des bouleversements politiques, sociaux et identitaires, va dégager des influx presque spirituels en se débarrassant de sa charge . Le spectacle, tout en vigueur gymnique, a été soutenu par des musiques aussi bien révélatrices que contradictoires, allant d'un univers sonore presque psychédélique aux rythmes chaleureux et orientaux de la chanson Ahwék, de Abelhalim Hafedh. Une sorte de retour aux sources, qu'on retrouve également dans la symbolique de l'habit traditionnel que la danseuse enfile sur scène après de longs moments de tiraillements et de questionnements renvoyés par les divers mouvements évocateurs qu'on a pu admirer sur scène. Une belle création chorégraphique qui ne laisse pas indifférent.