La centrale ouvrière est aujourd'hui au cœur de trois fronts : le dialogue politique, le dialogue économique et les négociations sociales. Objectifs : construire un avenir meilleur, garantir la paix sociale et respecter les libertés individuelles... De tout temps, le dialogue entre l'Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt) et les gouvernements a été difficile. Ces derniers ont tous essayé, de contenir d'une manière ou d'une autre le pouvoir de la centrale ouvrière, qui a résisté tant bien que mal, à travers l'histoire, aux politiques. Aujourd'hui, dans la phase de transition démocratique, difficile du reste, l'Ugtt revient en position de force avec sa proposition de dialogue politique. Au regard de la crise politique, économique et sociale qui a secoué le pays, après l'assassinat du militant Chokri Belaïd, les leaders de l'Ugtt affirment ne pas avoir le choix : «Seule l'Ugtt est capable de restituer les choses, et de convaincre l'ensemble des partis politiques autour d'une table». Un rôle que la centrale ouvrière a bien assuré. Faut-il rappeler qu'elle a toujours joué un rôle primordial dans la vie politique ? Plus qu'une centrale syndicale, l'Ugtt est qualifiée en tant qu'organisation où «les revendications sociales ont, historiquement, été intimement liées aux mots d'ordre politiques et nationaux ». Mieux, contrairement à d'autres organisations similaires dans des pays arabes, elle a toujours essayé d'être la plus autonome possible, des gouvernements, et toujours eu son mot à dire. Aussi, la première force syndicale du pays convaincue du rôle historique, dans la phase de transition démocratique de la Tunisie, en tant que force d'équilibre dans le pays, n'a pas hésité à mettre la main dans la main avec la centrale patronale pour servir la Tunisie, en dépit de leur différence et opposition par essence. Une centrale engagée aux côtés du peuple et pour le pays L'initiative du dialogue national politique pilotée par l'Ugtt était la meilleure opportunité pour rallier les partis tunisiens et éviter les querelles politiques, certes. Cependant, pour plusieurs observateurs, l'Ugtt «s'est substituée de fait aux partis politiques de l'opposition, incapables de jouer leur rôle». Mais, du côté de la centrale syndicale, «il n'y a ni doutes ni équivoques sur ses missions et surtout aucune substitution à quiconque ». La centrale est là pour le peuple tunisien, pour le pays. Le choix était simple et clair : s'engager « aux côtés de la société civile et du peuple tunisien dans sa diversité pour défendre non seulement la masse ouvrière, mais aussi et surtout la République et ses institutions », déclarait un des dirigeants de l'Ugtt aux médias, au moment de la crise politique. Il n'a pas manqué de rappeler par ailleurs la légitimité historique de l'organisation, eu égard au rôle politique assuré par l'Ugtt dans les moments de crise ». La centrale syndicale a, à travers le dialogue national, prouvé encore une fois qu'elle est un «médiateur incontournable» et un «acteur politique, certes, mais non partisan». Elle a réussi à être le «partenaire incontournable» dans la transition démocratique. Incontestablement, le rôle social et syndical de l'Ugtt est incontournable. Car, de toute évidence, le social converge forcément vers le politique, d'où l'importance capitale des concertations, et en premier lieu, l'Ugtt autour des grandes lignes, des engagements politiques, et des choix économiques importants. D'ailleurs, la réussite du dialogue national politique, qui a abouti à un consensus national, a mené aujourd'hui à un autre dialogue national, mais cette fois-ci économique. Le gouvernement semble convaincu du rôle indispensable et incontournable de l'Ugtt dans ce nouveau dialogue, prévu pour le 28 mai prochain. Et, sur ce plan, Houcine Abassi, secrétaire général de la centrale ouvrière, est bien déterminé à ce que l'organisation joue, également, pleinement son rôle de médiateur, et d'apaiser les tensions. A l'ouverture du Congrès national pour le dialogue économique, le secrétaire général de l'Ugtt a déclaré que la centrale ouvrière «compte proposer certaines suggestions relatives à la méthodologie d'organisation du dialogue national économique». Mais pas seulement, l'Ugtt serait, sans aucun doute, une force de proposition, de suggestion. N'a-t-elle pas été le pourvoyeur du premier programme socioéconomique au lendemain de l'indépendance ? N'a-t-elle pas donné plusieurs de ses dirigeants et leaders à l'Etat, dont les ex-ministres Ahmed Ben Salah, Hédi Nouira, Ahmed Mestiri, Mohamed Charfi, Moncer Rouissi, et on en passe ? A travers le dialogue national économique, l'Ugtt réussira-t-elle à faire sortir le pays de la crise économique qu'il traverse ? Sera-t-elle capable de proposer et de convaincre par le biais d'un projet économique et social à même de relancer l'économie ? Tous les ingrédients sont là, pour que cette force incontournable réussisse, en collaboration avec les différents acteurs, à identifier les solutions nécessaires. Ugtt : une force de propositions Au-delà de son rôle politique et économique, la centrale syndicale n'a jamais oublié son rôle social, encore moins sa mission principale, celle de défendre les travailleurs. En effet, aujourd'hui, elle est engagée sur un troisième front, celui des négociations sociales pour les augmentations salariales. Un nouveau défi qu'elle semble déterminée à relever, d'autant plus que les dernières majorations salariales remontent à 2012, et que l'année 2013 a été une année blanche en raison de la situation difficile qui a prévalu dans le pays. Un nouveau défi, certes. Mais au regard des conditions économiques difficiles, est-ce qu'on réussira à le gagner ? Attendons voir. En tout état de cause, à parcourir l'historique de l'Ugtt, fondée le 20 janvier 1946, il ne fait aucun doute que chaque fois que le pays a rendez-vous avec son destin, la centrale se trouve fortement au cœur des événements. Elle a été de tous les combats du pays, en partant de l'indépendance avec le mouvement libérateur, en passant par Bourguiba à qui elle s'est opposée le 26 janvier 1976 et durant la «Révolte du pain» le 3 janvier 1984, lorsque le gouvernement d'antan décida d'augmenter de 100% le prix du pain et de la farine. Elle s'est toujours imposée sur la scène tunisienne comme un acteur politique de premier plan. Dès l'indépendance de la Tunisie, acquise en 1956, le syndicat a participé au gouvernement et nourri le programme social du premier président tunisien, Habib Bourguiba. Puis les relations se sont détériorées au point que la deuxième grève générale organisée en 1978 (la première avait eu lieu en août 1947) s'est conclue par des centaines de morts et des milliers de syndicalistes emprisonnés. Son rôle dans les évènements du 14 janvier 2014 a été déterminant. En effet, c'est bien de ses rangs, dans les régions et dans plusieurs fédérations, que le soulèvement de décembre 2010-janvier 2011 a été encouragé, développé et organisé...