«La langue berbère a été parlée au Kef jusqu'au XVe siècle, avant d'être remplacée par la langue arabe»... Cirta, Cicca Veneria, ou encore Shakbanaria, sont les anciennes appellations de la ville du Kef. Elle a été témoin de la préhistoire et a été un village berbère avant de passer sous le règne de Carthage, des rois numides, des Romains et des Ottomans. Ces derniers lui ont donné son appellation actuelle, qui signifie «la grotte dans le rocher». Les journées culturelles et touristiques «Le Kef chante la Tunisie», organisées par l'association «Les amis du Kef», du 9 au 11 mai, ont permis aux participants d'en savoir plus sur la culture de la région, en particulier ses spécificités berbères. 65% des gènes des habitants du Kef sont d'origine berbère. C'est ce qu'a expliqué l'historienne Hayet Aloui dans son intervention lors de la conférence dédiée à l'histoire de la région. Si cela ne se sent et ne se voit plus dans le mode de vie des habitants de la ville, le musée des arts et traditions populaires est là pour témoigner de ce qu'a été la culture berbère du Kef. La salle principale du musée comporte des habits traditionnels et des bijoux authentiques. «Les mariages duraient sept jours et sept nuits, pendant lesquels la mariée devait changer à chaque fois de costume», explique le guide, en ajoutant que le sept est un chiffre sacré pour les Kefois depuis cette époque. Les bijoux de la femme berbère sont les symboles de toute une vie. En plus de leur fonction d'ornementation, ils sont comme une pièce d'identité que chaque femme garde sur elle. Selon sa forme et sa couleur, un bijou circulaire accroché aux cheveux permet de savoir si la femme qui le porte est célibataire ou mariée. Des accessoires en forme de chaînes y sont ajoutés afin d'indiquer le nombre de ses enfants et de quel sexe ils sont. Un autre bijou, plus volumineux, qu'elle accroche à son habit, sert d'étui où elle cache son contrat de mariage. Cette tradition concerne principalement les Berbères bédouines qui se déplaçaient beaucoup, notamment du Centre et du Sud du pays vers le Nord, pendant la saison des récoltes. Dans le musée, un schéma explicatif indique sur une carte de la Tunisie les mouvements des tribus berbères. Celles du Centre et du Sud, comme les «Jlass» et «Ouled Majeur», se déplaçaient chaque année dans la région du Kef, de Béja et de Siliana, afin de profiter de la saison commerciale au cours de laquelle ils échangeaient leurs produits contre des denrées locales, comme les céréales. Leurs déplacements étaient facilités par les tentes où ils vivaient, fabriquées en poils de chèvre et de mouton et qui étaient imperméables. Le nombre de morceaux qui composaient la tente était celui des membres de la famille. Chacun portait des tatouages indiquant son appartenance. «La communication n'était pas toujours facile entre les locaux et les "bédouis", et il y avait des moyens de se présenter sans avoir à parler», explique le guide. Quant à la langue berbère, elle se déclinait en dialectes pratiqués par les tribus selon les régions. «La langue berbère a été parlée au Kef jusqu'au XVe siècle, avant d'être remplacée par la langue arabe», explique l'historienne Hayet Aloui. Cette transformation a commencé avec l'arrivée des Hilaliens du sud de l'Egypte et leur expansion en Afrique du Nord au XIe siècle.