«Il faut faire la guerre aux trafiquants, pas aux consommateurs», explique Yassine Brahim «Moi aussi je fume des joints», la campagne lancée sur les réseaux sociaux par les amis du blogueur Azyz Amami est provocante certes, mais montre à quel point cette jeunesse issue du mouvement révolutionnaire du 14 Janvier ne baisse pas les bras face à ce qu'ils appellent des «réactionnaires». Tout a basculé lundi soir. Alors qu'il était à bord d'une voiture avec son ami, le photographe Sabri Ben Mlouka, il est arrêté par une patrouille de police, probablement pour un contrôle de routine. Mais selon son avocat, maître Ramzi Jebabli, qui l'a rencontré dans son lieu de détention, dès que les policiers ont su que qu'ils avaient affaire à Azyz Amami, le ton a changé. «Ils les ont fait descendre de la voiture, et les ont fouillés. La police a trouvé un bout de joint sur le trottoir, mon client nie en être le propriétaire», rapporte l'avocat. Mais au-delà des suspicions qui entourent l'arrestation de Azyz Amami, connu pour sa virulence à l'égard de la répression policière, le débat est lancé sur le fond. En cause? La loi 52 pénale qui dispose que «sera puni de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de mille à trois mille dinars, tout consommateur ou détenteur à usage de consommation personnelle de plantes ou de matières stupéfiantes, hors les cas autorisés par la loi. La tentative est punissable». Le cannabis reste une drogue «C'est une loi liberticide et dictatoriale», commente la députée d'Al Massar, Karima Souid, qui demande au chef du gouvernement Mehdi Jomâa de veiller à la révision de cette loi avant la fin de sa mandature. Toutefois, pour la députée d'Al Massar, issue d'un quartier populaire en France, si un débat national sur la question doit être ouvert, il ne faut pas oublier que le cannabis reste une drogue. «Dans le quartier des Minguettes où j'ai grandi, j'ai vu des jeunes, parfois des amis proches, commencer par des drogues dites douces, avant de s'enliser dans la spirale des drogues dures», se souvient Karima Souid. La question est délicate, la députée estime que la loi doit certes être révisée, mais cette révision doit se faire en concertation avec des psychologues, des magistrats et des politiques. «L'objectif est de prévenir et pas de réprimer, résume-t-elle. L'arrestation de Azyz Amami et de Sabri Ben Mlouka est un électrochoc, qui pousse les politiques à réagir». Faire la guerre aux trafiquants La réaction c'est celle d'abord du chef du gouvernement, lui qui, à l'occasion de sa conférence de presse mercredi, a estimé que cette loi "n'est plus en phase avec notre époque», laissant entendre que son gouvernement se penche sur sa révision. D'autres partis réagissent à leur tour, à l'instar du parti Afek Tounes qui organisera le 22 juin une conférence sur le sujet. «Il faut comprendre que la Tunisie est presque devenue une plateforme pour le cannabis en raison de la porosité de nos frontières», explique Yassine Brahim, président de Afek Tounes. Pour lui, il faut faire «la guerre aux trafiquants de stupéfiants au lieu de s'en prendre aux consommateurs». Il voit en la loi 52 une disproportion entre le délit et la sanction. «J'ai beaucoup d'amis à travers le monde qui ont fumé au moins un joint dans leur vie, dit-il. J'ai même parfois assisté à des soirées où circulait du cannabis». Selon lui, la proportion des jeunes qui consomment ou qui ont déjà consommé du cannabis est très grande. La révision de la loi 52 est donc nécessaire, mais la question est comment la modifier sans que cette révision ne devienne, de fait, une légalisation de la drogue.