Des chiffres en dessous de la réalité. L'insuffisance de signalement, pourtant obligatoire, met l'enfant en péril Le dernier rapport annuel de l'activité des délégués à la protection de l'enfance a été présenté hier lors d'une conférence de presse à Tunis. En 2013, les délégués à la protection de l'enfance ont reçu 5.783 avis, dont plus d'un tiers concerne des enfants de moins de 6 ans. Les situations de danger les plus fréquemment signalées sont : l'incapacité des parents à assurer la protection et l'éducation de l'enfant (1.819 avis), le manquement notoire et continu à son éducation et à sa protection (1.496), l'exposition à la mendicité ou son exploitation économique (956) et son mauvais traitement habituel (634). Pour le délégué général, Hammadi Mehiar, ces chiffres ne sont pas représentatifs de la réalité. «Le nombre d'avis a beaucoup diminué alors qu'il devrait augmenter. Ceux qui doivent faire le signalement, éducateurs, médecins, professeurs ou instituteurs, ne le font pas. Il y a un certain désengagement et un manque de disponibilité envers les enfants qui ne trouvent plus à qui se confier ou parler». Le nombre d'avis enregistrés diffère d'une région à une autre. Il est de 499 à Tunis, contre 59 et 65 à Médenine et à Tataouine. Le foyer familial semble être le cadre où l'enfant est le plus exposé aux menaces (3.707 avis), suivi par la rue (742) et les institutions d'éducation (458). Ce sont dans ces lieux également où il y a le plus de victimes. Sur les 2.441 cas avérés de violence, 65,9% ont lieu à la maison, 14,4% dans la rue et 11,5 % dans une institution d'éducation. Pour Moëz Chérif, de l'Association tunisienne de protection des droits de l'enfant, ces statistiques remettent en question le bien fondé du texte constitutionnel, qui confie à la famille, dans son article 47, la première responsabilité pour assurer l'éducation et la protection de l'enfant, et relègue au second plan le devoir de l'Etat à assumer cette responsabilité. Autres chiffres présentés, ceux relatifs aux enfants en conflit avec la loi. En 2013, les délégués de protection à l'enfance ont reçu 429 demandes de médiation, ce qui représente une moyenne de 5,2 demandes pour 10.000 enfants (13-17 ans). Uniquement 6,8% des demandes concernent les filles. Dans la plupart des cas, les délits commis sont le vol et des actes de violence. Les délégués obtiennent des résultats «positifs» après médiation dans 96% des cas. «La médiation est un des mécanismes de protection des enfants en conflit avec la loi. Notre priorité est de ne pas les arrêter. On évite au maximum les poursuites et surtout l'incarcération dans les centres de correction ou même dans les postes de police», affirme Hammadi Mehiar. La conférence de presse a été l'occasion d'évoquer également certains problèmes rencontrés par les délégués de protection à l'enfance. «Les gens pensent qu'on a toutes les ressources matérielles et humaines nécessaires. En réalité, on n'a pas d'équipe de travail. Il y a un délégué pour 10.000 enfants et les moyens sont très limités», indique Anis Aounallah, délégué à la protection de l'enfance à Tunis. «Le budget de fonctionnement n'a pas été versé depuis 5 mois. Les déplacements sont à notre charge, on achète nous-mêmes notre matériel de travail... Au bureau de Tunis, par exemple, on n'a pas d'Internet. Il n'est pas sûr que pour l'année 2014, on aura les statistiques». Autre problème soulevé, celui des textes juridiques. «Depuis leur création en 1996, les textes régissant l'activité des délégués à la protection de l'enfance n'ont pas été révisés. Plusieurs lois ne sont pas applicables aujourd'hui, et nos prérogatives sont parfois trop limitées».