La majoration des salaires est une revendication légitime. Seulement, son impact sera nul si la productivité ne suit pas Outre l'accord sur le démarrage des négociations sociales, deux autres accords ont été signés entre la centrale syndicale et le patronat, l'un portant sur la «production et la productivité», l'autre sur le «pouvoir d'achat et les prix». Le secrétaire général de l'Ugtt, Houcine Abbassi, a tenu à préciser que les négociations sur les majorations salariales dans le secteur privé ne devront pas dépasser la fin du mois en cours. Une façon de mettre la pression sur l'Utica? « Non, cet accord est le fruit d'une entente, s'en défend Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint de l'Ugtt. Même l'Utica veut en finir. D'ailleurs, notre première réunion se tiendra jeudi en début d'après-midi». Décrite par les manuels d'économie comme étant au « cœur de la dynamique économique d'un pays », toute entreprise est en quête de productivité. Mais qu'est-ce que la productivité ? En fait, si une entreprise arrive à produire plus tout en utilisant les mêmes ressources, elle réalise une hausse de la productivité. La définition est simple, mais c'est sa mise en œuvre qui peut sembler complexe. Quel profit tirera l'employé en produisant plus ? Qu'y gagnera l'économie ? Dans son discours de politique générale devant l'ANC ou lors de son allocution à l'occasion des 100 jours du gouvernement, Mehdi Jomâa a évoqué la question de la productivité. « L'augmentation des salaires sans une hausse de la productivité, entraîne l'inflation », a-t-il dit, en ajoutant que ce « modèle économique n'est pas tenable ». « C'est très simple, lorsque la productivité augmente dans une entreprise, elle réalise des économies d'échelles et cela se traduit directement par une hausse des salaires et indirectement par une baisse des prix de vente », explique Khalil Gheriani, membre du bureau exécutif de l'Utica. Plus simplement, lorsqu'une entreprise produit plus avec les mêmes ressources, elle diminue ses coûts de production. Une partie de ces baisses profitera aux travailleurs sous forme d'augmentations salariales, et une autre partie se répercutera sur le prix de vente aux consommateurs. « Mais il est impératif que le travail soit rémunéré à sa juste valeur », tempère Yassine Brahim, président de Afek Tounes et issu du monde de l'entreprise. En d'autres termes, on ne peut pas motiver un employé, s'il n'y a pas de récompense à court terme pour son effort supplémentaire. En tout cas, Belgacem Ayari ne s'en inquiète pas. Pour lui, il existe «des critères fixés par le Bureau international du travail». « Ces critères permettent, après négociations entre les parties prenantes, de déterminer les objectifs de production d'une part et les avantages financiers pour les travailleurs d'autre part», affirme le secrétaire général adjoint de l'Ugtt. Mais «la productivité est également une question managériale à l'intérieur de l'entreprise, explique Yassine Brahim. Pour augmenter la productivité, il faut miser sur la formation continue des employés, mais aussi sur l'innovation, qui est un facteur important ». Pour l'économie dans son ensemble, l'augmentation de la productivité assure une pérennité, et engendre un cercle vertueux de croissance : Les gains de productivité boostent le pouvoir d'achat, celui-ci est converti en consommation, ce qui entraîne plus de croissance au niveau de la production. C'est le schéma qu'a connu la France pendant les «Trente glorieuses ». « Il ne faut pas oublier que nous vivons dans un monde fortement compétitif, les investisseurs étrangers font attention à un certain nombre de facteurs, dont la productivité. Si celle-ci est moins forte qu'au Maroc à titre d'exemple, son choix est fait », avance Yassine Brahim. L'Etat doit prendre des mesures D'un autre côté, l'Etat, de par sa politique et sa législation, peut contribuer à dynamiser la productivité. Il s'agit de revoir l'infrastructure des transports principalement. « Quand un salarié passe trois heures dans les transports, il est peu probable qu'il augmente sa productivité et quand un importateur perd plusieurs jours pour récupérer sa marchandise au port, la productivité n'en sort pas gagnante », précise Khelil Gheriani. Pour Lazhar Akremi, porte-parole de Nida Tounès, l'Etat a un devoir de vérité envers les Tunisiens et doit communiquer de façon plus poussée sur la nécessité de se remettre au travail. D'autre part, il appelle le gouvernement à travailler sur le «retour de la confiance» chez les investisseurs. «Aujourd'hui, nous malmenons nos hommes d'affaires, déclare-t-il. Dans ce climat de doute, personne ne fera des efforts d'investissement, ce qui aura pour conséquence une masse d'argent qui ne profite pas à l'économie», continue-t-il. Les efforts de l'ensemble des acteurs économique sont donc nécessaires pour redresser la barre et fixer un cap. Michel Rocard, ex-Premier ministre français, disait que «l'économie ne se change pas par décret ».