Les contraintes budgétaires sont connues de tous. Tout le monde aujourd'hui s'accorde à dire que s'il y a des sacrifices à faire, ils doivent être partagés. De même pour les concessions. Les négociations salariales dans le secteur privé ayant déjà démarré, il est tout à fait naturel qu'elles le soient dans le secteur public. Reste à trouver le juste équilibre entre majorations salariales et contraintes budgétaires A peine les négociations salariales dans le secteur privé ont-elles démarré, l'Ugtt a annoncé par la voix de son secrétaire général adjoint, Belgacem Ayari, qu'une "demande pour lancer les négociations dans le secteur public est toujours en attente de réponse de la part du gouvernement". En clair, la centrale syndicale demande une majoration des salaires dans le public à l'heure où le chef du gouvernement Mehdi Jomâa met en garde contre une plus grande aggravation du déficit budgétaire et affiche l'ambition de réduire le déficit de 1,5 milliard de dinars à partir de 2014. Est-ce dès lors raisonnable et responsable d'augmenter les salaires? Comment, si les négociations aboutissent, l'Etat compte-t-il financer cette augmentation? Conseiller fiscal et membre du bureau exécutif du parti Al Joumhouri, Mohamed Salah Ayari trouve inévitable la majoration des salaires dans le secteur public, pour une raison simple: "Le secteur privé va bientôt bénéficier d'augmentations salariales, pourquoi pas le secteur public?". Là-dessus, Belgacem Ayari, membre du bureau exécutif de l'Ugtt, est formel: " Il n'est pas question d'accepter une nouvelle année blanche pour les salariés du secteur public. La situation est difficile pour le quotidien du Tunisien, nous devons œuvrer à l'amélioration de son pouvoir d'achat". "Une amélioration des capacités budgétaires des ménages est forcément salutaire pour l'ensemble de l'économie, acquiesce le responsable d'Al Joumhouri, la relance de l'économie passant aussi par celle de la consommation". A cela, l'économiste Abdeljalil Bedoui adjoint l'impératif d'indexer les salaires sur le taux d'inflation qui atteint, selon la Banque centrale 5,4% en 2014. Cependant, l'économiste note que cette relance ne peut se faire sans une "amélioration de la productivité, surtout dans les entreprises publiques dont la santé financière est fragile". Tout cela est bien beau et on peut le comprendre, mais que fait-on du déficit budgétaire? Le porte-parole du parti Ennahdha Zied Laâdhari semble le comprendre et affirme que son parti est d'accord pour de telles négociations "à partir du moment où les deux parties tiennent compte des équilibres budgétaires de l'Etat". Oui, mais s'il décide de prendre en considération le déficit budgétaire, comment l'Etat pourra-t-il financer des majorations salariales dans le secteur public? Les subventions comme monnaie d'échange? "Nous avons besoin de faire des économies, nous ne pouvons plus nous permettre de creuser encore plus le déficit budgétaire, explique le gouverneur de la Banque centrale Chedly Ayari. Si on augmente un poste dans le budget de l'Etat, on devrait tout naturellement diminuer un autre poste de dépense". Pour l'économiste Abdejalil Bedoui, "une augmentation des salaires dans le secteur public permettrait d'anticiper la hausse des prix, conséquence directe de la diminution attendue des subventions". Une diminution qui, faut-il le rappeler, est décriée par nombre de formations politiques, principalement par le Front populaire. Et si, en fin de compte, à travers la majoration des salaires dans le secteur public, l'on cherchait surtout à atténuer l'impact d'une inéluctable diminution des subventions ? En clair, ce serait un peu du donnant-donnant et tout le monde ou presque aura ainsi réussi à sauver la face. D'autres sources de financement Belgacem Ayari en est convaincu : "l'Etat a les moyens de financer la majoration des salaires". Comment ? "En engageant des réformes fiscales, en luttant contre le commerce parallèle, et en mettant la pression sur les contrebandiers". "A terme, il faut trouver les ressources nécessaires à travers une réforme fiscale structurelle, affirme Med Salah Ayari. Sachant que les recettes fiscales qui représentent 64% du budget de l'Etat sont de l'ordre de 18 milliards et que le taux de la fraude fiscale tourne autour de 50%, imaginez un peu le manque à gagner pour l'Etat".