Par Abdelhamid GMATI La récente opération terroriste à Kasserine, faisant quatre victimes parmi les forces de sécurité, a suscité la colère des habitants de la région et celle de la majorité des Tunisiens. Les condamnations les plus vigoureuses ont été exprimées par la majorité des partis politiques, des organisations nationales et de la société civile, réunissant une certaine unanimité contre le terrorisme, étranger à nos mœurs. Les responsables à tous les niveaux ont arrêté des mesures préventives pour lutter contre ce fléau. Mais cette détermination est-elle suffisante ? Lors des autres attaques terroristes des deux dernières années, on avait aussi fait preuve de cette même détermination et on avait aussi annoncé des mesures du même acabit. Et pourtant. Certes, cette lutte n'est pas facile et durera un certain temps, mais ne se contente-t-on pas de quelques réactions conjoncturelles sans aller à la source du mal ? Tous les jours, les forces de l'ordre, qui semblent avoir retrouvé leur efficacité depuis l'avènement du gouvernement Jomâa, annoncent des arrestations de terroristes, et de bandits recherchés, de contrebandiers d'armement, des découvertes de dépôts d'armes...Et pourtant. Le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur nous ont certifié, à plusieurs reprises, connaître et avoir identifié ces terroristes. Alors pourquoi ne les arrête-t-on pas ? On nous dit que des centaines de jihadistes tunisiens partis combattre en Syrie sont rentrés en Tunisie ou s'apprêtent à le faire. Quel sort leur réserve-t-on, sachant que leurs commanditaires les ont appelés à revenir continuer le jihad ici ? Va-t-on les recycler et leur demander de se repentir ? Le syndicat de la sécurité républicaine a affirmé ce jeudi que le nombre des cellules terroristes dormantes est de 420 réparties sur 13 gouvernorats. Puisque ces cellules ont été identifiées, qu'attend-on pour les démanteler et les mettre hors d'état de nuire ? Le même syndicat a fait savoir que 25 uniformes militaires et sécuritaires ont disparu d'un dépôt appartenant au ministère de l'Intérieur mais il n' y a eu aucune enquête. Dans le même ordre d'idée, la secrétaire générale des cadres du district de Tunis, Fatma Ouertani, a déclaré ce jeudi, que 12 kalachnikovs ont disparu du district de la garde nationale de Menzel Bourguiba depuis la révolution et que des uniformes militaires ont disparu de la caserne de Gabès. Aucune information sur ces sujets. Quand on sait que les terroristes de Kasserine portaient des uniformes, on se pose des questions sérieuses. Ce vendredi, à Nabeul, les unités sécuritaires ont arrêté un imam qui, dans son prêche, a appelé à la guerre sainte. Mais il y en des dizaines d'autres qui continuent à officier impunément dans, au moins, une centaine de mosquées, dans toutes les régions de la République. Et c'est à partir de là que se font les recrutements. Qu'attend-on pour mettre définitivement fin aux activités de ces prédicateurs semeurs de destruction ? Mais il n'y a pas qu'à ce niveau que les zones d'ombre subsistent. Il y en a aussi du côté de la classe politique où les déclarations de certaines personnes laissent perplexes. Ainsi en est-il du député du mouvement Wafa, Azed Badi qui voudrait qu'une loi soit votée disculpant les accusés d'incendies de postes de police. Il revendique même que ceux qui ont été condamnés pour de tels actes soient libérés et indemnisés. Son confère, Abderraouf Ayadi, du même mouvement, n'est pas en reste : il soutient les familles des terroristes arrêtés récemment, s'en prend aux policiers qui ont fait leur travail et même à la magistrature qui, selon ses dires, «reste corrompue et politisée». Leur autre confrère, Samir Ben Amour du CPR (relevons que ces troublions appartiennent à ce parti ou y ont été), émet des doutes sur les événements de Kasserine ; et n'ayant rien d'autre à faire, il propose que l'on supprime le mot «ezzine» des anciennes chansons tunisiennes. Pour lui, ce mot (beauté) renvoie au prénom de Ben Ali. Il ignore, le pauvre homme, que ces chansons remontent à une cinquantaine d'années, bien avant que l'on connaisse Ben Ali. Pour Rached Ghannouchi, le gourou du mouvement Ennahdha, ce qui s'est passé à Kasserine «est un cas isolé». Il ne faut donc pas s'en faire, semble-t-il nous suggérer. Bien d'autres zones d'ombre sont décelables. Ne serait-ce que cette institution sécuritaire «infiltrée», selon le syndicat de la police républicaine, et dont «les membres alimentent les terroristes par des informations essentielles». Qu'en est il en réalité ? Une enquête s'impose, nous semble-t-il.