L'Afrique est aujourd'hui un des moteurs de la croissance mondiale avec un taux de croissance de 7% et un marché de plus d'un milliard de consommateurs Se focaliser aujourd'hui sur l'Afrique est un choix mûrement réfléchi, du fait que le monde entier s'intéresse davantage à ce continent. Et pour cause, «l'Afrique représente le moteur de la croissance mondiale avec un taux de croissance moyenne de 7%, un marché de plus d'un milliard de consommateurs et qui sera multiplié par deux d'ici 2050, avec une population jeune d'un âge moyen de 19 ans tandis que la moyenne dans le monde est de 29 et avec un taux d'urbanisation de 41% et qui sera de 61,6% en 2050», précise M. Ahmed Bouzguenda, président de l'Institut arabe des chefs d'entreprise, hier, à l'ouverture des assises de la deuxième édition du Forum de Tunis tenues hier à Tunis, sur le thème «La Tunisie et l'Afrique subsaharienne : pour une stratégie d'intégration durable». Ce forum, qui a regroupé près de 1.000 participants entre décideurs politiques africains et personnalités éminentes du secteur privé venus de 32 pays, a été l'occasion pour débattre des relations politico-économiques de la Tunisie avec l'Afrique et la stratégie que notre pays doit adopter afin de mieux ancrer la dimension africaine dans la nouvelle Tunisie en transition. Ce rassemblement des différents acteurs économiques et politiques du continent sera aussi l'occasion pour se familiariser avec les différentes stratégies de partenariat économique proposées par les divers partenaires de l'Afrique. La Tunisie examinera l'adoption d'une nouvelle stratégie africaine afin de mieux profiter du boom économique du continent en termes de développement durable et d'intégration et pour mieux s'introduire en Afrique. Cette stratégie vient à point nommé répondre à sa faible intégration en Afrique. «Ne perdons pas de vue que l'Afrique représentait, en 2013, uniquement 640 millions de nos exportations, soit 3,3% du total des exportations et que les importations sont de l'ordre de 116MDT, soit 0,3% du total de nos importations», souligne M. Bouzguenda. Au-delà des considérations économiques classiques, la Tunisie considère l'Afrique comme partenaire géostratégique dont les aspects économiques, sociaux, sécuritaires et culturels se conjuguent. «C'est pour cette raison que nous avons décidé, à l'Iace, que le Forum de Tunis revisitera les relations avec l'Afrique tous les trois ans. Nous voulons que la Tunisie propose à l'Afrique une stratégie d'intégration durable basée sur le développement humain, sur un partenariat durable et équitable entre les Tunisiens et leurs partenaires africains », précise le président de l'Iace. «Star» collaborative ciblée La proposition de stratégie labélisée Star (Stratégie Tunisie-Afrique renouvelée) est scindée en trois composantes essentielles, à savoir le développement humain, le commerce et la logistique et les institutions. «Contribution modeste à l'élaboration de la stratégie nationale pour l'Afrique, la Star proposée se veut collaborative et le secteur privé doit mettre du sien pour sa réussite et c'est pour cette raison que l'Iace a proposé la création d'un réseau des différents intervenants publics et privés pour sa mise en place. Et à cet effet, j'appelle à la création de deux chambres de commerce dédiées Tunisie-Afrique de l'Ouest, Tunis-Afrique de l'Est», ajoute M. Bouzguenda. L'Iace a annoncé, de son côté, la création d'un centre de veille sur les économies africaines affilié à son Centre de veille et d'intelligence économique (Ctvie). Ce centre de veille suivra les évolutions des économies subsahariennes, la réglementation qui les régit ainsi que le développement des filières. Cette stratégie bien ciblée vise à asseoir un partenariat optimal et porteur avec les pays africains. L'objectif est d'avoir des orientations claires et concrètes qui peuvent constituer, dans le futur, une feuille de route aussi bien pour les acteurs politiques qu'économiques. Il est important de «ne pas se contenter de considérer ces pays comme de simples marchés à conquérir mais plutôt comme des pays ayant de grandes potentialités de développement et avec lesquels la Tunisie doit établir un partenariat durable et multisectoriel qui touche aussi bien le politique, l'économique, le culturel que le secteur scientifique». Ladite stratégie élaborée dresse l'état des lieux de la coopération dans les trois axes qu'elle touche et propose des alternatives pour la renforcer et l'inscrire dans le durée. La stratégie montre que la coopération technique avec les pays d'Afrique subsaharienne n'est pas au niveau espéré, notamment, comparé à celle qu'entretient la Tunisie avec les pays du Golfe. « Les besoins recensés dans les pays d'Afrique subsaharienne concernent principalement les secteurs de l'éducation, de la santé, du tourisme, des TIC ainsi que l'hydraulique rurale. Cependant, il s'avère que la concrétisation d'un partenariat en matière de coopération technique est confrontée à un problème de financement ». Des actions seront proposées pour la période 2015-2020 pour pallier ces lacunes. Etant donné que ni la Tunisie ni les pays d'Afrique subsaharienne ne disposent des moyens nécessaires pour financer ces programmes, «il serait opportun de faire intervenir un troisième acteur qui sera un bailleur de fonds (BAD, BM, BID)». Il s'agit, dans ce cadre, de concevoir des programmes adaptés, de trouver les financements et de les vendre clés en main aux partenaires. Malgré les moyens limités, le gouvernement tunisien devra œuvrer à créer un fonds spécial du trésor qui sera géré par le ministère de la Coopération, «pour lequel on accordera une allocation annuelle de 2 millions de dinars et qui servira à financer la formation de 400 cadres de pays amis par an». Pour ce qui est de l'axe logistique, la stratégie indique dans le secteur du transport aérien que la compagnie nationale Tunisair compte lancer 20 nouvelles lignes en Afrique subsaharienne d'ici 2018. «Il est important, toutefois, de veiller à ce que les nouvelles lignes desservent des villes où nous avons une présence consulaire afin de faciliter les procédures de visa. Ces nouvelles lignes devront, en outre, être en continu afin de bénéficier de la cinquième liberté». Concernant la protection des investissements, la stratégie montre que sur les 49 accords bilatéraux conclus entre la Tunisie et le reste du monde, huit seulement concernent les pays d'Afrique subsaharienne. «On remarque, par ailleurs, que de nombreuses économies africaines ont connu au cours de la dernière décennie des taux de croissance économique annuels moyens de plus de 7%». D'où l'engagement d'un processus de négociation d'accords de protection des investissements avec l'Angola, le Cameroun, le Nigeria, le Ghana, la Guinée équatoriale, le Kenya, l'Ouganda, le Sénégal et la Tanzanie (2016-2020). Par ailleurs, la Tunisie n'a conclu aucun accord commercial préférentiel avec les pays et les gouvernements régionaux d'Afrique subsaharienne. Les tentatives de conclusion d'accords commerciaux préférentiels ou de libre-échange ont été infructueuses et les relations commerciales sont, alors, restées régies par les accords de l'OMC. La stratégie propose, à cet effet, l'établissement d'au moins deux accords commerciaux préférentiels avec deux pays de la région et d'un accord de libre-échange avec un groupement régional. Les propositions de la stratégie englobe aussi les secteurs porteurs (infrastructures, équipements informatiques et de formation, santé, culture, recherche scientifique et enseignement...), les entreprises structurées, les institutions diplomatiques (ambassades, le réseau des consuls), les mécanismes d'accompagnement des entreprises tunisiennes... Le président moncef marzouki : «Notre ambition, un partenariat économique solidaire» Renforcer la coopération avec les pays d'Afrique subsaharienne, faciliter le transfert du savoir et promouvoir l'investissement Les travaux du deuxième Forum de Tunis initié par l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace) ont été ouverts, hier, sur le thème «Tunisie et Afrique subsaharienne : une stratégie pour une intégration durable». Ont pris part à ce forum près de 1.000 personnes dont 350 hauts responsables et chefs d'entreprise africains et 20 médias du continent. Le président provisoire de la République, Mohamed Moncef Marzouki, a affirmé, à l'ouverture du forum, que la Tunisie s'attache plus que jamais à s'ouvrir davantage sur le continent africain, en prenant les mesures nécessaires pour instaurer un partenariat économique solidaire, faciliter l'obtention des visas, multiplier les missions diplomatiques et accroître le nombre de vols aériens. Le président de la République a fait valoir que «la Tunisie a tardé à s'intéresser au continent africain, mais a vite œuvré, après la révolution, à s'assurer une forte présence dans les rencontres et les réunions, ce qui lui a permis de jouer un rôle grandissant au sein de l'Union africaine». Il a fait savoir que les discussions sont en cours pour lever les visas vers plus d'un pays africain, à l'effet d'établir une coopération, sans nuire à la sécurité nationale. Le président de la République a mis l'accent sur la portée de l'ouverture d'un plus grand nombre de représentations diplomatiques et d'ambassades dans les pays africains, annonçant qu'il entamera, d'ici deux semaines, une tournée dans quatre pays africains en compagnie d'une délégation d'hommes d'affaires tunisiens. Le représentant de l'Organisation des Nations unies à Tunis, Lamine Dhaoui, a présenté une série de recommandations pouvant booster les relations tuniso-africaines, à travers la mise en œuvre d'une stratégie claire qui concerne les pays de l'Afrique subsaharienne, en partenariat avec le secteur privé. Il a ainsi recommandé d'accroître le nombre de représentations diplomatiques tunisiennes dans les pays africains, qui ne dépassent pas, actuellement, 9 représentations contre 21 pour le Maroc. Il a appelé en outre à la multiplication du nombre de vols aériens en direction de ces pays, lesquels sont limités jusqu'ici à 4 destinations contre 24 pour le Maroc. Dhaoui a proposé de créer un centre de coopération entre la Tunisie et les pays de l'Afrique subsaharienne pour renforcer la coopération technique, le transfert de savoir et la promotion de l'investissement. Il a mis en valeur les grandes opportunités d'investissement qu'offre l'Afrique, surtout dans le domaine des industries de transformation et alimentaires, lesquelles doivent être prises en compte par la Tunisie, dans ses stratégies d'investissement et d'exportation. Pour sa part, l'ex-ministre des Finances, Jalloul Ayed, a souligné la nécessité de développer le marché des capitaux dans le continent africain à l'effet d'impulser l'investissement et de financer les projets d'infrastructure de base. Il a fait remarquer qu'actuellement, un nombre infime de pays africains sont parvenus à mettre en place un marché de capitaux, à l'instar de l'Afrique du Sud, du Nigeria et du Kenya.