Les Tunisiens suivent la Coupe du monde sur fond de regrets et frustration... C'est vrai que nous faisons un peu semblant en ce moment... Il faut dire que les affiches sont belles, le spectacle garanti (sur le terrain et en dehors) et les buts nombreux. C'est vrai que les joueurs sont un peu à bout de souffle, surtout les stars. Pour mille batailles livrées. Il n'y a qu'à voir les joueurs du Real, du Barça et de l'Atletico qui se sont battus jusqu'à la toute dernière minute pour la Champions League, la Liga et même la Coupe d'Espagne. Mais les Ibériques ont des ressources et de la fierté et ils sauront rebondir. Pour les stars, ce n'est même — plus — une question d'argent, la plupart ayant déjà signé, reconduit et même amélioré leurs contrats. Avec leurs propres clubs ou avec de nouveaux. Non, il ne s'agit pas de ça, mais de l'image et du prestige du joueur, de celui de son pays, mais aussi de la grosse envie de disputer une phase finale de Coupe du monde, cela compte dans la vie et la carrière d'un joueur. Pour la disputer, s'y distinguer et la gagner. Certains ne connaîtront jamais ce bonheur. Pourtant, leurs noms sonnent comme un coup de tonnerre : Di Stefano, Cruijff, Platini, Yachine, Ibrahimovic et tant d'autres. Même le grand Messi court après et, demain, il y aura un trou noir dans son palmarès : c'est vous dire combien la Coupe du monde est importante. On a «évité» le pire... On se régale, donc, en ce moment et on est en même temps frustré de ne pas voir le onze tunisien de la fête. Mais, de vous à nous, nous ne le regrettons pas, car nous imaginons mal l'équipe de Maâloul ou de Krol et ses joyeux fêtards insouciants au Brésil. Ils y auront emmené leur m'enfoutisme, leurs dissensions, leur indiscipline, leur petit football et leurs scandales. Ils nous auront, au moins, épargné cela. Les souvenirs de France 98, Japon 2002 et Allemagne 2006 sont encore vivaces et les blessures ouvertes. Deux défaites et un nul en France, encore deux défaites et un nul au Japon et puis encore une défaite et un nul en Allemagne. 5 buts marqués pour 15 encaissés. Pas de quoi être fiers. Soixante-dix-sept ans après la disparition de Pierre de Coubertin, nous appliquons à la lettre la devise du père des Jeux olympiques, soit «l'essentiel est de participer». Aux Jeux olympiques et en Coupe du monde, oui, mais sans les grands principes de l'olympisme et du sport et sans les règles de la compétition qui veulent qu'on s'y comporte bien et qu'on y remporte des victoires. 36 ans après notre première participation en 1978 en Argentine, nous en sommes réduits à invoquer les bons vieux souvenirs de Chetali, Agrebi, Tarek, Temime, Ghommidh, Dhouib et Naïli, pour l'unique victoire des nôtres et quatre participations à une phase finale de Coupe du monde. Un bilan calamiteux C'est comme si le temps s'était arrêté car, au lieu de constituer un point de départ, l'Argentine 78 a été un point d'arrivée. La faute à qui? Aux dirigeants pour qui la Coupe du monde est un voyage VIP et la garantie d'un pactole pour la FTF, alors que, pour les joueurs, c'est l'occasion idéale pour racketter ces mêmes dirigeants. Ni les uns, ni les autres ne pensent un seul instant aux résultats, au drapeau et à tous ces Tunisiens qui rêvent de victoires et d'exploits des leurs. Voyez l'actuelle édition : toutes les équipes, tous les joueurs se damnent l'âme et donnent le meilleur d'eux-mêmes; la Côte d'Ivoire a déjà remporté son premier match et la suite promet d'être plus passionnante encore. Chaque match est un combat, chaque ballon disputé une épreuve. Cela pour dire que les Tunisiens n'ont pas tant reproché aux leurs les résultats, mais la manière dont leurs défaites ont été consommées, leurs attitudes et leurs comportements et l'impuissance de leurs dirigeants à les contrôler. Parfois même leur complicité... Nous sommes peut-être un peu cyniques, mais nous ne le répéterons jamais assez : la Tunisie absente au Brésil, nous ne regrettons pas cela !