Néji Bghouri : « Nous estimons que Mahmoud Bouneb est retenu illégalement au Qatar, tout comme l'ont été nos diplomates en Libye » Accusé de dilapidation d'argent public du Qatar, en tant qu'ancien directeur de la chaîne «Al-Jazeera Enfants», le journaliste tunisien Mahmoud Bouneb demeure interdit de quitter le territoire qatari et privé du droit de travailler. Alors que le comité de défense du journaliste s'attendait à ce qu'un jugement soit prononcé jeudi, la cour de justice qatarie a décidé de reporter le procès sans qu'aucune date ne soit fixée. « Lorsque les autorités qataries ont tout fait pour nous refuser le visa pour le Qatar, nous avions commencé à avoir des inquiétudes. Mais nous nous attendions à un dénouement jeudi », a indiqué son avocate Saïda Garrach lors d'une conférence de presse organisée hier à Tunis par le comité de défense de Mahmoud Bouneb. Le tribunal a, par ailleurs, nommé un comité d'experts chargé de visionner les 3.000 heures de transmissions télévisées, de 2005 à 2011, sujets de l'affaire, et de déterminer le cas échéant les prétendues malversations et surfacturations. Chose inédite dans une affaire qui n'a pas encore été tranchée, c'est au journaliste Mahmoud Bouneb de s'acquitter des frais relatifs au fonctionnement dudit comité. Le comité de défense dénonce une décision contenant implicitement une condamnation qui fait fi de la présomption d'innocence. Selon les termes de Saïda Garrach, la cour souffre d'un manque évident d'impartialité. L'affaire Mahmoud Bouneb commence le 27 septembre 2011, date à laquelle il est démis subitement de ses fonctions de directeur de la chaîne «Al-Jazeera enfants» pour être ensuite accusé officiellement de dilapidation d'argent public, et ce, malgré les audits réguliers dont fait l'objet la chaîne qatarie. De son côté, le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), Néji Bghouri, a fait savoir que son confrère est retenu illégalement au Qatar, tout comme l'ont été nos diplomates en Libye. Ne mâchant pas ses mots, le président du syndicat a fustigé sans ménagement la monarchie du Golfe. « La rétention illégale de Mahmoud Bouneb n'est que l'arbre qui cache la forêt des violations quotidiennes des droits de l'Homme dans l'Etat du Qatar. Dans cette affaire, le Qatar a prouvé à plusieurs reprises qu'il n'avait aucun respect pour la République tunisienne », a-t-il lâché. Le comité de soutien du journaliste tunisien a déploré la faible implication des autorités tunisiennes dans les efforts entrepris pour faire « libérer » Mahmoud Bouneb. Le président du Snjt a mis en garde contre le sacrifice de son confrère sur l'autel des « intérêts économiques avec le Qatar ». « Outre les intérêts économiques, il faut penser à la dignité », a-t-il lancé. Ceux qui croient fermement à l'innocence du journaliste dans l'affaire de dilapidation de l'argent public ne comptent cependant pas seulement sur un sursaut diplomatique de la part de la Tunisie. Ainsi, Néji Bghouri a annoncé que des efforts sont en cours pour «internationaliser» l'affaire, notamment en demandant le concours de la Fédération internationale des journalistes ou encore la Fédération internationale des droits de l'Homme (Fidh).