Le général Souhaiel Chamangui : « Il faut s'attendre à plus de pertes humaines dans cette guerre ouverte contre le terrorisme » La cellule de crise décidée par le chef du gouvernement provisoire, Mehdi Jomâa, a organisé hier, à La Kasbah, ses premiers points de presse après l'attaque terroriste de mercredi. Devant un parterre de journalistes, le général Souhail Chamangui, en charge des opérations militaires sur le terrain, est revenu sur le déroulement de la nuit tragique. « C'est à l'heure du coucher du soleil que deux attaques simultanées de deux campements de l'armée nationale se sont produites dans la région de Henchir Ettalla, a-t-il annoncé. Ces opérations ont fait 14 martyrs dans les rangs de l'armée et un mort du côté des terroristes ». Il s'agirait d'un Tunisien du nom de Atef Chargui. « Saut qualitatif » Une des attaques a été perpétrée à l'aide de roquettes RPG, ce qui constitue, selon le responsable des opérations et ministre de la Défense Ghazi Jeribi, « un saut qualitatif en matière d'armes utilisées ». L'attaque surprise a tué sur le coup 9 soldats, dont la tente a été la cible d'une roquette RPG, tandis que cinq autres ont péri lors d'un échange de tirs avec les terroristes. « 18 soldats blessés lors de l'attaque ont immédiatement été transportés à l'hôpital régional de Kasserine, dont 7 ont été transférés d'urgence à l'hôpital militaire de Tunis, a précisé le général Souhail Chamangui. Trois d'entre eux se trouvent actuellement dans un état critique ». L'armée nationale a perdu la trace d'un soldat, laissant ouvertes toutes les hypothèses. « Peut-être a-t-il été capturé, blessé, mort ou même caché quelque part, sain et sauf », a déclaré le général alors que les questions des journalistes devenaient incessantes sur ce sujet. « Il faut s'attendre à une guerre ouverte et longue qui peut durer une dizaine d'années, nous devons être prêts à de nouvelles attaques », a de son côté prévenu le chef d'état-major de l'armée de terre, Mohamed Salah Hamdi. Un plan diabolique ! Qui sont ces assaillants ? D'où viennent-ils ? Combien sont-ils ? Lors du premier point de presse à midi, ces interrogations restaient sans réponse. Il faut attendre le deuxième point de presse à 16h tenu par le ministre de la Défense Ghazi Jeribi et par le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou pour en savoir plus. Les terroristes constituaient en fait une véritable armée composée, selon Ghazi Jeribi, de 40 à 60 individus, armés et entraînés. « Toutes les données indiquent que ces individus viennent de l'extérieur du territoire tunisien, ils se dirigeraient maintenant vers la frontière est, a indiqué le ministre de la Défense. Il s'agit majoritairement d'Algériens et nous coopérons avec les autorités algériennes pour pouvoir les localiser ». Gahzi Jeribi va plus loin, l'opération terroriste de mercredi, au-delà de la Tunisie, fait partie d'un véritable « plan diabolique » qui vise à déstabiliser l'ensemble de la région du Maghreb. Selon lui, ni l'Egypte, ni même le Maroc ne sont épargnés par ce dessein morbide. « Même si nous nous attendions à de telles attaques, il nous faut admettre que nos forces armées n'étaient pas préparées à faire face à de telles situations, a déclaré Jeribi. Cette guerre non conventionnelle s'appuie sur des opérations-surprises, qui, malheureusement, font des pertes humaines, c'est le prix à payer pour préserver la souveraineté de l'Etat ». De son côté, le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a indiqué que les terroristes font partie de la cellule « Okba Ben Nafâa », qui fait normalement allégeance à Al Qaida mais qui s'est rapprochée dernièrement de Eiil (Daech). Cette cellule qui attire les jeunes endoctrinés serait dirigée par des « émirs » algériens dont « Lokman Abou Sakhr » (de son vrai nom Khaled Chayeb), recherché depuis les années 1990 en Algérie. Comment ces chefs terroristes recrutent-ils nos jeunes ? Ben Jeddou est clair, Internet est la principale plateforme de lavage de cerveau et de recrutement de terroristes. A cet effet, Mehdi Jomâa a donné des instructions pour doter l'agence chargée de l'intelligence informatique de l'ensemble des moyens qui lui permettent d'intercepter les messages et communications douteux. Les deux ministres ont prévenu, avec toute la bonne volonté politique du monde, que le risque zéro n'existe pas. Un des objectifs annexes du « plan diabolique » est de saboter le processus électoral de la Tunisie. 6 opérations terroristes avortées Le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, l'affirme : Depuis quelque temps, ses services ont fait avorter pas moins de 6 opérations terroristes prévues sur le sol tunisien, dont deux rien que dans la journée d'hier. « Nous avons fait avorter un guet-apens début Ramadan, arrêté une quinzaine de terroristes qui planifiaient de piéger deux camions avec des explosifs dirigés vers des institutions de l'Etat, a révélé Ben Jeddou. Nous avons également avorté une opération terroriste que prévoyait de commettre Khaled Chayeb, le 29 juillet 2014 ». Hier, une cellule terroriste armée et prête à faire exploser des lieux publics a été démantelée à Sidi Bouali à Sousse et trois terroristes présumés ont été arrêtés. Devant la perplexité des journalistes face à de telles annonces qui interviennent en retard, le ministre de l'Intérieur a promis d'apporter prochainement plus de précisions sur ces opérations, notant au passage que la justice dispose de tous les éléments dans cette affaire. Le gouvernement prendra des mesures Interpellé hier matin sur la question des festivités observées dans plusieurs régions de la Tunisie à la suite de l'attaque terroriste, le porte-parole du gouvernement, Nidhal Ouerfelli, a signalé la gravité de tels agissements intervenus dans des lieux publics. « Si ces événements s'avèrent exacts, nous prendrons les mesures adéquates », a-t-il prévenu. Pour sa part, le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a appelé les Tunisiens à une trêve sociale de trois mois, afin de permettre aux forces de sécurité de se concentrer sur la lutte contre le terrorisme. « 9.000 mouvements de protestation en 9 mois, c'est trop ! », a-t-il fini par lâcher.