Par Hella LAHBIB Les Tunisiens, ceux qui aiment leur pays, veulent y vivre en paix, travaillent dur pour qu'il avance, malgré les aléas de toutes sortes. Les autres sont des traîtres On dit que les circonstances difficiles révèlent les grands hommes. La fermeté de Mehdi Jomâa arrive à point nommé. Elle est salutaire pour la Tunisie. Il y a des actions, un discours ferme, une détermination. En moins de 48 heures, une série de décisions appropriées sont prises. Mehdi Jomâa est celui qui a pris la pleine mesure de la situation, contrairement à d'autres. Après un discours sincère jeudi soir, où les choses étaient dites, parfois avec naïveté mais où il traitait les Tunisiens en tant qu'adultes, place à l'action. Les Tunisiens avaient été abreuvés de discours mous et soporifiques. Pour une fois, ils voient de la détermination. Jomâa a dit, et ce n'est pas la première fois: « Je vais faire ceci et j'assume mes responsabilités. Je mets les autres parties devant leurs responsabilités ». Le chef du gouvernement, non élu, choisi difficilement par consensus, a donc pris des décisions qui: -d'un, réhabilitent le prestige de l'Etat et la prééminence de la loi, -de deux, traduisent une détermination totale, -et de trois enfin, sont une déclaration de guerre à toute la chaîne qui conduit au terrorisme, à commencer par le takfir, en passant par les discours haineux et l'utilisation des mosquées. Samedi à l'aube, les forces spéciales tunisiennes de l'armée, de la garde nationale et de la police, que nous avons saluées ici même à plusieurs reprises, ont réussi quelques dizaines d'arrestations. En matière de gestion de situation difficile, on appelle cela des « quick wins », des victoires rapides qui montrent que la voie tracée est bonne et qui renforcent la mobilisation. La Tunisie rend les coups, tant mieux. Un petit mot concernant le rapporteur général de l'ANC, M. Habib Khedher qui a cru utile de contester la décision de fermer les mosquées jihadistes. Il faudra savoir Monsieur Khedher, que ce ne sont plus des lieux de culte, elles n'ont de mosquée que le nom. Lorsque les forces spéciales opèrent une descente et sont confrontées à un groupe armé et qu'au même moment, dans le même quartier et au milieu de la nuit, alors que nos soldats ou policiers essuient des tirs nourris, les haut-parleurs d'une « mosquée » sont lancés à pleins décibels pour appeler au jihad, peut-on encore parler de mosquée? Ce sont plutôt des points de ralliement pour faire la guerre aux Tunisiens, quand elles ne font pas office de caches d'armes. Cette mosquée, de Douar Hicher, par exemple, c'est vous qui auriez dû la fermer. De plus, ce ne sont pas des fermetures, mais des arrêts momentanés jusqu'à la nomination de préposés de l'Etat. Monsieur le rapporteur général, vous avez géré le pays et, avec votre référentiel religieux, vous auriez dû réussir à prendre en main le champ religieux. C'est votre chef, Rached Ghannouchi qui nous l'avait promis. Vous n'avez rien fait de tel. Soit vous n'avez pas voulu, soit vous n'avez pas su. En matière de terrorisme, les dirigeants ont une obligation de résultat, et la Tunisie est en guerre. C'est une guerre et pas autre chose. Le chef de guerre actuel s'appelle Mehdi Jomâa. Si vous avez quelque chose à dire concernant ses décisions, adressez-vous à lui directement, ne le faites pas publiquement, ne délégitimez pas celui qui conduit la guerre. Ne divisez pas les Tunisiens. Je dis bien les Tunisiens, ceux qui aiment leur pays, veulent y vivre en paix, travaillent dur pour qu'il avance, malgré les aléas de toutes sortes. Les autres sont des traîtres. Enfin, il y a donc un vrai sursaut. Avec de la détermination et des prises de position fermes et pertinentes, nous avons des chances sérieuses de gagner la guerre. Mais, le phénomène terroriste est structurel. Ce n'est pas une affaire de mois mais d'années. Il y a environ 2.000 Tunisiens au minimum, miliciens jihadistes au Proche Orient. 460 étaient déjà rentrés, selon M. Ben Jeddou. La plupart d'entre eux sont extrêmement dangereux, entraînés et ne rêvent que de faire la guerre dans notre pays. Enfin, il ne faut plus commettre les erreurs, les fautes du passé récent : finie la complaisance, la légitimation des takfiristes dans les médias et sur les plateaux de télévision, les réunions dans les palais de la république, les ordres donnés de laisser filer tel chef jihadiste revendiqué. Les non-lieux, les relaxes, et les acquittements incompréhensibles. Le chef du gouvernement vient de montrer, en 48 heures, qu'il était possible d'agir, lui qui n'a même pas de légitimité électorale. Il faut donc l'aider. La tâche est ardue et il n'a pas le temps. Il faut faire en sorte que les décisions, l'état d'esprit, la dynamique antiterroriste soient irréversibles et continuent bien après les élections. Chacun d'entre nous, citoyens, médias, partis politiques, personnalités ou société civile doivent l'aider. Comme nous nous sommes mobilisés contre l'obscurantisme qui, nous l'avons bien vu, a fait le lit du terrorisme ; nous nous sommes mobilisés pour les libertés individuelles et la démocratie, nous devons nous mobiliser contre le terrorisme. Mehdi Jomaa n'a pas de légitimité électorale, ni de force politique derrière lui, il faut donc une base populaire pour le soutenir. C'est le même combat.