Les bains maures de la médina de Tunis sont menacés de disparition si aucune intervention réfléchie de sauvegarde n'est initiée dans les quelques mois qui viennent. L'Association L'mdina Wel Rabtine a conçu un projet multidisciplinaire pour tenter de prendre en charge un patrimoine en péril. Datant pour certains de l'époque hafside, mouradite et ottomane, jalonnant le tissu urbain de la médina de Tunis, les hammams traditionnels, référant à un art de vivre des temps anciens, ont pourtant été oubliés des campagnes de restauration, qui ont couvert la vieille ville le long de ces trente dernières années. Pire encore : au gré des aménagements urbains effectués, notamment au quartier de Bab Souika, certains ont disparu de la carte de la vieille ville. D'autres ont fermé leurs portes ces dix dernières années, succombant aux pressions immobilières et aux sirènes de la modernité. Ainsi, sur les 50 hammams qui existaient jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle, 26 fonctionnent toujours... mais difficilement. Voilà les grandes lignes du diagnostic de l'Association L'mdina Wel Rabtine (la médina et ses deux faubourgs), qui organise actuellement l'exposition photographique « Regards posés. Hammams de la médina de Tunis » (voir notre article paru le 22 juillet). A côté du volet artistique, qui cherche à construire un fonds iconographique pour valoriser ces lieux de mémoire, l'Association citoyenne L'mdina Wel Rabtine, créée en avril 2012 par des habitants et des commerçants de la cité ancienne, ainsi que des chercheurs et des artistes, a élaboré dans le cadre du projet «Ainek al hammam» (Fais attention aux hammams) deux autres axes pour tenter de sauvegarder ce patrimoine en péril. Tout d'abord, un axe citoyen, qui favorise la médiation entre les gestionnaires des hammams et les institutions nationales, afin d'identifier des mesures juridiques adéquates en faveur des bains publics historiques. La danseuse et actrice Sondos Belhassen, qui préside l'association, espère que les autorités accordent une attention particulière aux hammams, en acceptant par exemple de partager leurs charges, notamment concernant la facture du gaz et de l'électricité. «C'est ainsi que les hammams, qui sont passés de 600 clients par semaine à 300 ces dernières années, pourront devenir rentables et par conséquent continuer à fonctionner», affirme la jeune femme. L'axe technique du projet veut favoriser une réhabilitation architecturale durable et trouver un équilibre entre les mesures hygiéniques imposées aux hammams depuis les années 70 et 80 (murs en carreaux de céramique et sol en autobloquant) et les ambiances intérieures typiques de ces espaces de délassement ouverts à toutes les catégories sociales. Grâce au projet «Ainek Al Hammam», une complicité a été établie entre les propriétaires et les membres de l'association, notamment au cours du montage de l'exposition «Regards posés», lorsque les dépositaires de ce patrimoine ont accepté d'ouvrir leurs biens aux regards des photographes tunisiens et étrangers et pendant les visites guidées organisées dans ces lieux par l'association lors du mois de Ramadan dernier. «Nous sommes arrivés à partager avec eux notre passion pour les hammams. Et, depuis, nous avons vu s'allumer dans leur regard un espoir...», confie Sondos Belhassen.