Par M'hamed JAIBI En faisant le choix d'une «volonté d'union» englobant l'ensemble des musulmans de par le monde, au détriment de l'habituel respect à la lettre du texte coranique, le mufti de la République vient de prendre une responsabilité historique dont personne ne l'avait investi. Ce faisant, il tourne le dos à une énorme mascarade politico-religieuse (celle de cette «ro'ya» souvent fictive qui attribue au pouvoir exécutif la faculté de fixer les dates des fêtes religieuses), mais en prenant sur lui de transgresser toutes les règles et toutes les conventions. Le texte prévoit de démarrer le jeûne ramadanesque et de fêter l'Aïd sur la base d'une vision à l'œil nu du croissant lunaire naissant, sachant qu'en cas d'empêchement, le jeûne doit englober un trentième jour. Or le mufti nous informe de l'impossibilité de constater de visu l'apparition du nouveau croissant, tout en nous incitant à nous contenter de 29 jours de jeûne. Cette décision rompt à la fois avec une rigueur textuelle accommodant les dirigeants politiques des divers pays arabes, et une modernisation de l'interprétation du texte débouchant sur le calendrier lunaire international. Celle que proposait Bourguiba depuis si longtemps. Le fait est qu'avec cette audacieuse décision, notre mufti de la République fait de l'observation lunaire un rituel suranné sans le moindre effet sur la détermination des mois lunaires. Même s'il n'a, en fait, ni les moyens ni la qualité pour décider du sort futur du calendrier lunaire et celui de la «ro'ya», et qu'il n'a rien proposé comme démarche pour le calendrier de l'année lunaire. Dans une conjoncture arabe marquée par une bipolarisation saoudo-qatariote, où ces deux pays entendent affirmer leur leadership à l ‘ensemble des musulmans sunnites, notre mufti a cru utile de nous proposer son bon vouloir. Mais qu'en sera-t-il lorsque l'Arabie saoudite et le Qatar ne tomberont pas d'accord, comme ce fut le cas pour début Ramadan ? Mais le souhait fervent des Tunisiens, c'est que les Arabes soient enfin unis. Non pas seulement sur la date de l'Aïd, comme une trêve dans leurs combats fratricides en Syrie, en Irak, en Egypte, au Châambi... mais dans les faits et à tout moment, pour répondre enfin aux légitimes attentes de leurs peuples au développement, à la liberté et à la dignité.