Cette association tunisienne pour l'expression artistique et numérique, créée en 2011, vient de clôturer un atelier de théâtre de l'ombre qui a eu lieu du 18 au 23 juillet 2014 à Hammam-Zriba et qui cible les enfants des quartiers défavorisés. Le plan d'action continue. Nous concevons sans arrêt des plans d'action dont seule une infime partie voit le jour. Mais lorsque le besoin de cultiver, de partager et de créer devient réel et urgent, nous nous engageons, et le cadre s'impose. Cela fait plaisir de savoir que dans ce pays qui trébuche, il existe encore des associations qui honorent leur engagement et qui œuvrent pour nous débarrasser de toutes les malédictions, remuant ciel et terre pour nous procurer notre ration de nourriture symbolique. Parmi ces associations, il y en a une dont on parle peu, et qui essaye d'estomper les limites entre l'artistique et la culture de citoyenneté. Son slogan est, justement, «cultiver, partager et créer». Il s'agit de «Taabir» qui veut dire «expression». Cette association tunisienne pour l'expression artistique et numérique créée en 2011 par un groupe d'amis, artistes, avocats et anthropologues, vient de clôturer son premier atelier de théâtre de l'ombre qui a eu lieu à Hammam-Zriba. Cet atelier s'inscrit dans un projet appelé «Rêves ambulants» destiné aux enfants de 12 à 16 ans, et dont la durée s'étale sur 24 mois. L'objectif principal de ce projet est d'initier les enfants des quartiers défavorisés à des moyens d'expression créatifs et non violents. Il permet aux artistes de rencontrer leur population dans son propre milieu et de créer une synergie entre les habitants, partenaires bénévoles du projet, qui accueillent les formateurs, à bras ouverts. «Rêves ambulants» aboutira à un web documentaire et à des produits culturels réalisés par les enfants, selon des normes professionnelles. Films, photos, cartes postales, en diront long sur les habitants de ces zones oubliées. Mais ce projet n'est que l'un des quatre plans d'action de «Taabir». Le premier s'intitule : «Témoin oculaire» et dont le but est de sauvegarder la mémoire collective, en impliquant les différents acteurs de la société civile dans le processus de justice transitionnelle. Il cible de jeunes activistes tunisiens et toute personne touchée de près ou de loin par la torture. Ainsi, on aura constitué une archive numérique audiovisuelle en ligne et un réseau de contact entre victimes de la torture et jeunes vidéobloggeurs. Un cercle d'écoute entre une trentaine de vidéobloggeurs et soixante-dix victimes de la torture a eu lieu, en plus d'une formation sur plusieurs étapes. Il fallait redonner un sens à ces mots : «justice transitionnelle», hélas devenus abstraits. «Regards croisés» est le troisième projet de «Taabir », créé en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert (*). Là, il s'agit de rapprocher les points de vue des acteurs de la société civile et des artistes. Peut-être qu'ensemble, ils pourront réenchanter le monde, car la violence et l'obscurantisme semblent de plus en plus empiéter sur notre vie quotidienne. Le coup d'envoi d'un atelier photo sera donné en ce mois d'août. Des amateurs confirmés et des professionnels de la photographie raconteront la Tunisie en pleine transition. En octobre prochain, et à la clôture de cet atelier, sept sur dix participants seront choisis pour signer leurs œuvres dans un ouvrage et les exposer, par la suite, sur les cimaises de «Debbo 52», le local de «Taabir». Ce local, dont l'ouverture a eu lieu le 25 juin 2014, est l'un des projets essentiels de l'association. Il est situé en plein centre-ville de Tunis, à la rue Houssine Bouzayane, dans un quartier commerçant où on ne vend que de la quincaillerie et des pièces de rechange. Il faut être fou pour y vendre du rêve. Mais, finalement, qu'est-ce qu'un fou ? N'est-il pas quelqu'un d'extraordinaire ? «Taabir» publiera, d'ailleurs, un communiqué qui invite «les fous» en mal d'espace de représentation et de création à proposer leurs projets pour «Debbo 52». Avis à ceux qui veulent lever leur méfiance ordinaire et nous entraîner dans un monde en couleur. (*) La fondation Friedrich-Ebert est une fondation associée au SPD, le parti social-démocrate allemand. C'est la plus importante et la plus ancienne fondation associée à un parti politique en Allemagne. Son siège est à Bonn et elle a des bureaux à Berlin.