Par Hella LAHBIB La Tunisie parviendra-t-elle à préserver son exception au travers de ces bouleversements géostratégiques et locaux ? Cette dynamique d'affaiblissement des Etats et de l'Etat-nation a conduit le monde arabe là où il est maintenant. C'est-à-dire en état de déliquescence avancée où les quelques acquis se perdent et le retour en arrière se fait à grands pas. C'est à se demander si entre la dictature et la guerre civile peut-il y avoir quelque chose dans les pays arabes ? Quand l'Etat tunisien a commencé à prendre les choses en main après l'incursion terroriste, certaines voix se sont élevées pour fustiger ce retour de l'Etat policier. Or, un Etat fort n'est pas forcément un Etat policier ou une dictature. Au contraire, un Etat fort est un Etat démocratique où les différences cohabitent et les libertés sont garanties par la loi. Donc, un Etat fort est un Etat de droit où les droits et les libertés sont protégés de tout un chacun. Un des fondamentaux de l'Etat de droit est la citoyenneté et l'égalité, y compris l'égalité hommes-femmes. Par voie de fait, en cette phase où la deuxième République est en construction, dépasser certains blocages socioculturels avant d'être juridiques et octroyer à la femme tunisienne ce qui lui revient de droit représentera une avancée pour la Tunisie, pays pionnier en la matière. En outre, une citoyenneté sans égalité entre les hommes et les femmes est une citoyenneté incomplète, factice même. Si cette égalité n'est pas totale, si en 2014 la femme est encore privée des droits de tutelle sur ses enfants, le droit de leur obtenir un passeport, de les faire voyager, à son statut de citoyenne manquera toujours quelque chose. Si la parité en politique n'est pas observée, si le machisme des partis politiques se perpétue au fil des élections, si les têtes de listes sont tous des hommes, seules quelques têtes féminines sont posées pour la galerie, il n'y aura pas d'Etat démocratique, donc pas d'Etat fort, et pas de stabilité non plus, parce que des pierres manquent à l'édifice. La femme l'égale de l'homme est une condition nécessaire à la démocratie, mais pas suffisante, certes. En tout état de cause, munie d'espoir pour un avenir meilleur, souhaitons en ce jour aux femmes tunisiennes, aux générations montantes des jeunes filles, très bonne fête !