Les forces de sécurité s'échinent à combattre le fléau terroriste. Avec brio, de temps en temps. A la diable le plus souvent. On évolue sur le fil du rasoir, entre chien et loup. La classe politique, elle, nous fait chanter. Sur le mode hara-kiri Résumons : durant le seul mois de Ramadan, une bonne dizaine d'opérations terroristes d'envergure ont été mises en échec. Trois ou quatre autres opérations ont fait mal. Un taux de réussite des deux tiers, certes, mais qui n'en demeure pas moins mi-figue mi-raisin. Parce que les terroristes ont fauché des dizaines de victimes parmi les forces de sécurité par moments. Pourtant, à en croire Lotfi Ben Jeddou, ministre de l'Intérieur, «on a réussi à démanteler la pieuvre de l'organisation terroriste Ansar Echaria fin 2013» ! Il évoque les opérations d'El Ouardia, Raoued, Borj Louzir, entre autres. Mystère et boule de gomme. C'est que de nouvelles donnes sont intervenues en 2014. Daech et Aqmi ont fait irruption sur la place. Leur objectif majeur consisterait à coopter les bases d'Ansar Echaria, soi-disant décapitée. A preuve le groupuscule terroriste Oqba Ibn Nafaa comprendrait 34 membres, dont 21 Algériens recherchés par la justice algérienne et quelques Maliens. Parlant la semaine dernière en présence du chef du gouvernement, d'experts et de journalistes, Lotfi Ben Jeddou affirme sans ambages que «les armes sont libyennes, les émirs algériens et l'entraînement libyen et syrien». Il omet de préciser que la chair à canon est tunisienne. Par milliers. Il affirme également que, sous nos cieux, le terrorisme a des ramifications dans les quartiers populaires et les mosquées, dans l'enceinte électronique et Internet et dans les associations financées par les takfiristes. Soit. Ce n'est guère nouveau, ici et ailleurs. Lotfi Ben Jeddou est peu prolixe. Il filtre les informations au compte-gouttes. Promet une rencontre avec les experts et journalistes à ce propos mais qui semble sans cesse renvoyée aux calendes grecques. On en tire quand même quelques bribes d'informations. Courant Ramadan, des opérations terroristes ont été prévues de Gabès, au Sud, à Bizerte, dans l'extrême Nord. Des unités aussi bien industrielles que touristiques ont été visées. Le modus operandi des terroristes a changé. Désormais, un peu partout, ils comptent sur les enfants du terroir, le fils du bled, de la localité. On a même appréhendé un terroriste qui s'était avisé de commettre un attentat dans l'usine où il travaillait. Une coordination au plus haut niveau a lieu entre les hauts responsables du ministère de l'Intérieur et les responsables des unités tant industrielles que touristiques, un peu partout. Les terroristes ont même abandonné leur attirail classique. Ils ont troqué barbe qmejja et baskets au profit d'un look plutôt moderniste bon chic bon genre et Monsieur Tout-le-monde. Leur label, c'est désormais le «edha7ouk el9attel» (le tueur souriant), dixit le ministre de l'Intérieur. Une manière de se fondre dans la grande masse et de prétendre frapper sans être repérés. Oui mais il y a une colonne de l'ordre noir dont personne ne parle. Surtout pas le chef du gouvernement et ses ministres. Dans la classe politique aussi, les terroristes ont un sanctuaire. Des responsables de partis de la Troïka sortante et de ses satellites défendent volontiers les droits des terroristes plutôt que les droits des Tunisiens et l'intérêt supérieur du pays. On en a encore des témoignages navrants à l'Assemblée constituante à l'occasion des débats sur la loi antiterroriste. Des considérations électoralistes de bas aloi y président. On racole volontiers l'extrême droite islamo-fasciste et on chasse sur ses territoires. Dans l'impunité la plus éhontée qui soit. La lutte antiterroriste n'aboutira jamais tant que des ténors de la place politique n'endosseront pas les valeurs de la République. Avec rupture à perpétuelle demeure et point de non-retour. Beaucoup d'entre eux sont encore fascinés par l'Afghanistan, sinon le Pakistan, voire le Soudan. L'attrait des sièges, des dignités d'el korsi comme on dit chez nous les avise de souper avec le diable. Et c'est une autre histoire ! Nous y reviendrons, assurément.