Plus que les écoles de cinéma, la Fédération des cinéastes amateurs et son festival ont l'attrait du lieu qui peut briser les errances et les solitudes, donner quelques clés du métier et favoriser la création de groupes solidaires. C'est pour cela qu'après la fête, il faut faire le point. Tout est bien qui finit bien. Du 17 au 23 de ce mois, le FIFAK (Festival international du film amateur de Kélibia) a fêté ses cinquante ans avec les anciens de la FTCA (Fédération tunisienne des cinéastes amateurs), les amis, les fidèles et un grand public assoiffé d'images qui lui ressemblent et de musique qui exprime ses tourments. Car le cinéma amateur tunisien est tout un pays qu'habitent spontanément des jeunes et des moins jeunes, aussi divers que passionnés. Leur unique désir devrait être l'immaturité, l'état flottant de la jeunesse, l'être-jeune. Une sorte d'affinité immédiate entre l'instant décisif où on se jette à l'eau pour que le film existe et l'adolescence prolongée d'un groupe ou d'un individu en état d'apprentissage. Le cinéma amateur est aussi une question de méthode et d'esprit. Il se produit en bande, avec des alliés qui forment un commando partant à l'assaut du cinéma. Si, aujourd'hui, nous avons le sentiment indéniable que quelque chose bouge du côté des jeunes cinéastes professionnels, c'est bien parce que la piste de l'envol du désir est balisée. Le passionnel système D de l'amateur dans la conception d'un film est un moteur de créativité. A croire Serge Daney, critique de cinéma français (1944-1992), dans « l'Exercice a été profitable, Monsieur», beaucoup de films actuels ne proviennent plus du désir de faire un film, mais celui d'avoir été cinéaste au moins une fois dans sa vie. Dommage que certains des enfants de la FTCA, devenus professionnels, ne sont plus tout à fait « jeunes ». Ils n'aiment plus faire durer cet état béni où rien n'est encore définitif. Plus que les écoles de cinéma, la Fédération des cinéastes amateurs et son festival ont l'attrait du lieu qui peut briser les errances et les solitudes et donner quelques clés du métier. Pour que l'exercice soit profitable, il est nécessaire de faire le bilan. Nous profitons de ce cinquantième anniversaire 2 en 1 du FIFAK et de la FTCA, pour aider à recadrer les choses. Car, si le bureau actuel fait tout son possible pour assurer la continuité de la fédération et de son festival, il n'en est pas pour autant propriétaire. Après la fête, le « grand ménage » s'impose, de préférence, en présence des fondateurs qui, à une certaine époque et dans un territoire beaucoup plus risqué, ont su préserver le rêve. Le pays des amateurs doit-il être réinventé à chaque génération ? Les anciens veulent convoquer le cinéma social et politique des années 70 qui a profondément marqué les productions de la FTCA, et par conséquent tout le paysage cinématographique des décennies suivantes. Le divorce des héritages est-il réellement consommé ? Faut-il donner un nouveau sens à l'engagement de la FTCA ? Suffit-il d'un, deux, ou trois films, quel que soit leur genre, pour redonner au pays des amateurs de l'oxygène, de l'air, du possible, n'en déplaise aux discours catastrophistes ? Quels sont les modes d'accès au FIFAK ? Dans la compétition internationale, certains films ont tout l'air professionnel. Leur générique fin s'étale en longueur, et comporte de grands noms d'entreprises et de chaînes de télévision. Faut-il ré-identifier les critères de sélection ? Et les films d'école ? Ce sont des projets de fin d'études, ou des premières œuvres de non professionnels. L'idée qu'ils fassent partie de la compétition nationale, n'impliquerait-elle pas le ministère de l'Enseignement supérieur dans le financement du FIFAK? Comment préserver le pouvoir d'attraction du festival ? Le cinquantenaire était l'occasion ou jamais pour réclamer aux autorités concernées, un réaménagement du théâtre de plein air, lieu des projections. Mais pour cela, il faudrait garantir le soutien des habitants de Kélibia, des intellectuels et des activistes de la ville. Ces derniers, apprend-on, se sentent un peu laissés à l'écart par les organisateurs du FIFAK qu'ils considèrent comme de passage, chez eux.