Au sein de l'ANC, la tendance est de scinder la loi antiterroriste en deux lois, l'une consacrée à la lutte contre le terrorisme, la seconde à la lutte contre le blanchiment d'argent. Les constituants s'y mettront trois jours par semaine. Il semble que le gouvernement Jomâa ait perdu patience face à la tendance des constituants à tout faire pour que la loi antiterroriste soit transférée à la prochaine Assemblée des députés, qui sera issue des législatives du 26 octobre prochain. Selon le constituant Badreddine Abdelkafi, membre du bureau de l'Assemblée nationale constituante, le gouvernement a proposé de scinder le projet de loi antiterroriste en deux parties : l'une consacrée à la lutte contre le terrorisme et l'autre à la lutte contre le blanchiment d'argent. En plus clair, pour pallier le problème de l'absentéisme des constituants et remédier au retard pris dans la discussion du projet de loi antiterroriste, l'ANC aura à examiner deux projets de loi d'ici le démarrage, le 4 octobre prochain, de la campagne électorale en prévision des législatives. Et le bureau de l'ANC de tenir, hier, une réunion au cours de laquelle on a examiné la proposition du gouvernement. On a décidé de la retenir et de consacrer les journées du mardi, mercredi et jeudi à l'examen des deux projets de loi. Les débats reprendront au début de la semaine prochaine, par la discussion de la loi sur la lutte contre le terrorisme. Les journées du vendredi, samedi et dimanche seront réservées aux campagnes électorales des constituants concernés. Quant à la journée du lundi, elle sera consacrée aux réunions des commissions, si besoin est. D'autre part, décision a été prise que les deux lois seront considérées comme deux lois ordinaires. C'est à la plénière de décider Pour Mohamed Tahar Ilahi, chef du groupe parlementaire du parti Mouvement du Tunisien, il est clair «que Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC, cherche à faire passer la loi antiterroriste, à tout prix, quitte à ce qu'elle soit scindée en deux lois et à ce que les deux lois deviennent des lois ordinaires dans le but de contrecarrer les plans des abstentionnistes. Seulement, il oublie que le fait de changer la dénomination de la loi n'est pas du ressort du bureau de l'ANC, dans la mesure où c'est à la séance plénière d'en décider». Notre interlocuteur considère, d'autre part, que la décision de scinder la loi antiterroriste en deux lois, même si elle intervient sur proposition du gouvernement Jomâa, est une mauvaise décision. «Elle répond aux considérations suivantes : d'abord, c'est une démarche cherchant à en finir avec la loi, à tout prix, en répondant à des pressions qui proviennent de l'intérieur et de l'ANC et aussi de parties externes. En tout état de cause, la loi est vidée de sa substance et de ses objectifs initiaux, il est clair que ceux qui veulent bloquer la loi ont pour objectif de préserver un certain électorat», ajoute-t-il. «Au nom du parti du Mouvement du Tunisien, nous appelons à ce que la loi antiterroriste soit transférée au prochain parlement», conclut-il. Mahmoud Baroudi, constituant de l'Alliance démocratique, n'y va pas par quatre chemins et dénonce la décision de scinder la loi antiterroriste en deux lois: «C'est une décision inadmissible. Le fait de considérer les deux lois comme deux lois ordinaires n'est pas de la compétence du bureau de l'ANC, d'autant plus qu'à ma connaissance Mehdi Jomâa tient à ce que la loi antiterroriste soit une loi organique». S'agit-il d'une décision qui obéit à certaines pressions internes ou externes ? «Il ne faut pas être sorcier pour découvrir qu'il y a beaucoup d'intérêts à préserver et beaucoup de parties à satisfaire», souligne-t-il. On banalise le blanchiment d'argent «C'est une décision qui montre qu'on se comporte à la légère au sein de l'ANC vis-à-vis d'une loi censée déterminer l'avenir du pays. On banalise le blanchiment d'argent alors que tout le monde sait que le terrorisme se nourrit essentiellement de la contrebande et du blanchiment de l'argent qui en découle», s'insurge Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du travail patriotique démocratique (Ptpd). Quant au calendrier que l'ANC se propose de mettre en œuvre en vue de faire passer les deux lois en question d'ici fin septembre, le S.G. du Ptpd s'interroge: «Dans les conditions actuelles du pays, la poursuite des travaux de l'ANC est devenu un véritable fardeau au plan politique et financier. On est face à une Constituante dont la validité est révolue et à des constituants dont la majorité se consacrent principalement à leur propre campagne électorale. Il est absurde qu'ils puissent discuter et adopter deux lois, en 12 jours, si l'on s'en tient au calendrier annoncé, soit trois jours par semaine tout au long du mois de septembre, sans oublier que la première semaine de septembre est déjà consommée», tient-il à faire remarquer.